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Cette conception du rôle de l’alimentation repose sur deux argumens. Le premier est fourni par les expériences récentes de Rubner. Elles consistent à laisser vivre pendant une période assez longue (de deux à douze jours) un chien dans un calorimètre, à mesurer la quantité de chaleur produite dans ce laps de temps et à la comparer à la chaleur apportée par les alimens. L’accord est remarquable, en toutes circonstances. Mais serait-il possible que l’accord n’existât point ? puisqu’il y a un mécanisme régulateur bien connu, qui, précisément, proportionne sans cesse les pertes et les gains de chaleur à la nécessité de maintenir la fixité de la température interne.

Le second argument est tiré de ce que l’on a appelé la loi des Surfaces bien mise en lumière par Ch. Richet. En comparant les rations d’entretien pour des sujets de poids très différens, placés dans des conditions très diverses, on constate que le régime introduit toujours la même quantité de calories pour la même étendue de peau, c’est-à-dire (de surface), de refroidissement. C’est là un fait intéressant mais qui n’a point de force démonstrative.

Tout au contraire il y a des objections graves. La valeur calorique des principes nutritifs ne représente qu’un aspect de leur rôle physiologique. A la vérité, les animaux et l’homme sont capables de tirer le même profit et les mêmes effets de rations dans lesquelles l’un des alimens est remplacé par une proportion des deux autres isodyname, c’est-à-dire développant la même quantité de chaleur. Mais cette substitution a des limites très proches. — L’isodynamie, c’est-à-dire la faculté pour les alimens de se suppléer au prorata de leurs valeurs calorifiques, est bornée de tous côtés par des exceptions. Et d’abord il y a une petite quantité d’alimens azotés qu’aucun autre principe nutritif ne peut suppléer ; en outre, au-delà de ce minimum, quand cette suppléance a lieu elle n’est point parfaite ; exacte entre les albuminoïdes et les hydrates de carbone vis-à-vis des graisses, elle ne l’est plus entre les deux derniers vis-à-vis des matières azotées. Si le pouvoir calorifique des alimens était la seule chose qu’il y eût à considérer en eux, la suppléance isodyname ne ferait pas défaut dans toute une catégorie de principes tels que l’alcool, la glycérine et les acides gras. Enfin, si le pouvoir calorifique d’un aliment est la seule mesure de son utilité physiologique, on est fondé à se demander pourquoi l’on ne pourrait pas remplacer une dose d’aliment par une dose de chaleur. Le chauffage par le dehors devrait