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leur cycle habituel d’opérations vitales, étaient directement brûlées dans le sang. Nous exprimerions aujourd’hui la même idée, en disant qu’elles subissent alors une évolution accélérée, et que leur énergie, franchissant l’étape intermédiaire, passe d’un saut de la forme chimique à la forme thermique. La doctrine de Liebig, réduite à cette idée fondamentale, méritait de survivre. Des erreurs accessoires entraînèrent sa ruine.

Quelques années plus tard, le célèbre chimiste et physiologiste de Munich, C. Voit, la releva, sous une forme plus outrée. Pour lui, c’était la presque totalité de l’aliment albuminoïde qui se brûlait directement dans le sang. Il interprétait certaines expériences sur l’utilisation des alimens azotés en imaginant que ces substances, introduites dans le sang à la suite de la digestion, se divisaient en deux parts : l’une très minime qui s’incorporait aux élémens vivans, et passait à l’état « d’albumine organisée ; » l’autre mélangée au sang et à la lymphe, et soumise à la combustion directe, constituait l’albumine circulante. Dans cette doctrine, les tissus sont à peu près stables, les liquides organiques seuls sont sujets au métabolisme nutritif. L’évolution accélérée que la doctrine énergétique considère comme un cas exceptionnel était donc la règle pour C. Voit. Pflüger et l’école de Bonn ont fait justice de cette exagération abusive.

Le fait, dès longtemps constaté, que la consommation d’oxygène augmente notablement (d’un cinquième de sa valeur environ) après le repas, est favorable à la supposition que quelques-unes des substances alibi les absorbées et passées dans le sang y sont oxydées et détruites sur place. A la vérité, quelques expériences directes de Zuntz et von Mering sont contraires à cette vue, ces auteurs ayant injecté des substances oxydables dans les vaisseaux sans parvenir à en déterminer l’oxydation immédiate. Mais, on peut opposer à ces tentatives infructueuses d’autres essais plus heureux.

Si l’évolution accélérée des alimens reste encore incertaine pour les alimens ordinaires, il semble qu’elle ne fasse plus de doute en ce qui concerne la catégorie spéciale des purs thermogènes, tels que l’alcool et les acides des fruits. Lorsque l’alcool est ingéré à doses modérées, un dixième environ de la quantité absorbée se fixe sur les élémens vivans ; le reste est de « l’alcool circulant » qui s’oxyde directement dans le sang. La lymphe, sans intervenir dans les opérations vitales, autrement que par