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tissus et avoir participé aux opérations vitales : le potentiel alimentaire ne s’évanouit en énergie calorifique qu’après avoir traversé une certaine phase intermédiaire d’énergie vitale. C’est là le cas normal, le type régulier de l’évolution alimentaire. On peut dire, dans ce cas, que l’aliment a rempli tout son office ; il a servi au fonctionnement vital avant de produire de la chaleur ; il a été bio-thermogène.

Et maintenant, concevons le type irrégulier ou aberrant le plus simple. L’aliment passe de l’état initial à l’état final sans s’incorporer aux cellules vivantes de l’organisme, sans prendre part au fonctionnement vital ; il reste confiné dans le sang et les liquides circulans ; il y subit pourtant, en fin de compte, la même désintégration moléculaire que tout à l’heure et libère la même quantité de chaleur. Son énergie chimique se mue d’emblée en énergie thermique. L’aliment est un thermogène pur. Il n’a rempli qu’une partie de son office ; il a été d’une moindre utilité vitale.

Ce cas se présente-t-il dans la réalité ? Un même aliment peut-il être, suivant le cas, un bio-thermogène ou un thermogène pur ? Quelques physiologistes, parmi lesquels Fick, de Wurzburg, ont prétendu qu’il en était réellement ainsi pour la plupart des alimens azotés, hydrocarbonés et gras ; tous seraient capables d’évoluer suivant les deux types. Au contraire, Zuntz et von Mering ont absolument contesté l’existence du type aberrant ou thermogène pur : aucune substance ne se décomposerait directement dans les liquides organiques en dehors de l’intervention fonctionnelle des élémens histologiques. D’autres auteurs, enfin, enseignent qu’il y a un petit nombre de substances alimentaires qui subissent ainsi la combustion, directe, et, parmi elles, l’alcool.

La Théorie de la consommation de luxe, de J. Liebig, et la Théorie de l’albumine circulante, de Voit, affirment, que les alimens protéiques subissent en partie la combustion directe dans les vaisseaux sanguins. Il s’est élevé, à ce propos un débat célèbre qui divise encore les physiologistes. Si l’on dégage l’objet essentiel de la discussion de tous les voiles qui l’enveloppent, on s’assure qu’il s’agit, au fond, de décider si un aliment suit toujours la même évolution, quelles que soient les circonstances, et en particulier quand il est introduit en grand excès. Liebig pensait que la partie surabondante, échappant au processus ordinaire, était détruite par une combustion directe. Il affirmait, par exemple, que les substances azotées en excès, au lieu de parcourir