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ensemble de conceptions et de travaux d’un haut intérêt, au développement desquels nous avons assisté depuis lors.


II

Dire que l’aliment est un apport d’énergie en même temps qu’un apport de matière, c’est en définitive exprimer en deux mots la conception fondamentale de la biologie, en vertu de laquelle la vie ne met en œuvre aucun substratum ou aucun dynamisme qui lui soit propre. L’être vivant nous apparaît, d’après cela, comme le siège d’une incessante circulation de matière et d’énergie qui part du monde extérieur pour y revenir. Cette matière et cette énergie, c’est précisément tout l’aliment. Tous ses caractères, l’appréciation de son rôle, de son évolution, toutes les règles de l’alimentation découlent comme de simples conséquences de ce principe, interprété à la lumière de l’énergétique.

Et d’abord demandons-nous quelles formes d’énergie apporte l’aliment ? Il est aisé de voir qu’il en apporte deux : il est essentiellement une source d’énergie chimique ; il est secondairement et accessoirement une source de chaleur. L’énergie chimique est la seule, d’après la seconde des lois de l’énergétique, qui soit apte à se transformer en énergie vitale. Cela est vrai tout au moins pour les animaux ; car chez les plantes il en est autrement : le cycle vital n’y a ni le même point de départ, ni le même terme ; la circulation d’énergie ne s’y fait pas de la même manière.

D’autre part, — et c’est la troisième loi qui l’enseigne — l’énergie mise en jeu dans les phénomènes vitaux est libérée enfin et restituée au monde physique sous forme de chaleur. Nous venons de dire que ce dégagement de calorique est employé à élever la température interne de l’être vivant : c’est la chaleur animale.

Telles sont les deux espèces d’énergie qu’apporte l’aliment.

Si l’on veut ne rien omettre, il faut ajouter que ce ne sont pas les seules, mais seulement les principales et de beaucoup les plus importantes. Il n’est pas absolument vrai que la chaleur soit l’unique aboutissant du cycle vital. Il n’en est ainsi que chez le sujet au repos, qui se contenterait de vivre paresseusement sans exécuter de travail mécanique extérieur, sans soulever aucun outil ou aucun fardeau, fût-ce celui de son corps. Le travail mécanique est, en effet, une seconde terminaison possible du