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l’ont soutenu, en électricité animale. C’est là une erreur de doctrine en même temps que de fait. Elle provient d’une fausse interprétation du principe de l’équivalence mécanique de la chaleur et d’une méconnaissance du principe de Carnot. L’énergie thermique ne remonte pas le cours du flux énergétique dans l’organisme animal. La chaleur ne s’y transforme en rien ; elle se dissipe simplement.

Est-ce à dire qu’elle soit inutile à la vie ? Bien loin de là, elle lui est nécessaire. Mais son utilité a un caractère particulier qu’il ne faut ni méconnaître, ni exagérer ; ce n’est pas de se transformer en réactions chimiques ou vitales, mais simplement de leur créer une condition favorable.

D’après le premier principe de l’énergétique, il faudrait, pour que le fait vital dérivât du fait thermique, que la chaleur pût elle-même se transformer préalablement en énergie chimique, puisque celle-ci est nécessairement la forme antécédente et génératrice de l’énergie vitale. Or, cette transformation régressive est impossible, selon la doctrine régnante en physique générale. Le rôle de la chaleur dans l’acte de la combinaison chimique est d’amorcer la réaction, de mettre, en changeant leur état ou en modifiant leur température, les corps réagissans dans la condition où ils doivent être pour que les forces chimiques puissent s’exercer. Et, par exemple, dans la combinaison de l’hydrogène et de l’oxygène par inflammation du mélange détonant, la chaleur ne fait qu’amorcer le phénomène, parce que les deux gaz, indifférens à la température ordinaire, ont besoin d’être portés à 400 degrés pour que l’affinité chimique puisse entrer en jeu. Il en est ainsi pour les réactions qui s’accomplissent dans l’organisme. Elles ont un optimum de température ; c’est le rôle de la chaleur animale de le leur fournir.

Il résulte de ces explications que la chaleur intervient dans la vie animale à deux titres : d’abord et surtout comme excretum ou aboutissant du phénomène vital, du travail physiologique — et d’autre part comme condition ou amorce des réactions chimiques de l’organisme — Elle ne se dissipe donc pas en pure perte. Ces idées que nous-mêmes avions déduites, il y a quelques années, de quelques expériences sur le rôle alimentaire de l’alcool, nous ne savions pas alors qu’elles avaient été déjà exprimées par l’un des maîtres de la physiologie contemporaine, par M. A. Chauveau, et qu’elles se rattachaient, dans son esprit, à tout un