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On connaît mal les événemens du Bahr-el-Ghasal pendant l’administration de Lupton. Lui-même n’a laissé d’autre document qu’un récit purement pittoresque d’une exploration sur le Chinko, affluent du Mbomou. Mais certaines allusions d’Emin représentent sa position comme précaire : « Le pauvre diable, disait-il, est tombé au milieu d’une bande qui ne sent pas bon. » « Il ne règne que de nom, et le véritable maître du pays est ce coquin de Ssatti Effendi… Je voudrais bien savoir combien de temps le gouvernement de Khartoum tolérera de pareils désordres. »

Gessi s’était en vain efforcé d’expulser les Dongolais du pays. Cinq à six mille d’entre eux y étaient restés et exerçaient bien plus réellement la domination que le gouverneur égyptien.


V. — LE HAUT NIL PENDANT LE SOULEVEMENT MAHDISTE. — L’ISOLEMENT D’EMIN, 1884-89

Le soulèvement mahdiste prouva la fragilité de la domination égyptienne au Bahr-el-Ghasal. Les Dongolais pactisèrent avec le Mahdi, leur compatriote et coreligionnaire, dès ses premiers succès. Lupton sentait la trahison régner autour de lui, et dans ses lettres à Emin décrivait les dangers de sa position. Son inquiétude n’était que trop justifiée. L’apparition d’un certain Keremallah, nommé par le Mahdi « Emir du Bahr-el-Ghasal, » provoqua une débandade générale. Le chef des troupes nègres, des basingers, de la province, propre frère de Keremallah, se joignit immédiatement à lui ; le lieutenant-gouverneur, la plupart des fonctionnaires passèrent à l’ennemi. Lupton avait écrit à Emin, le 12 avril 1884 : « L’armée du Mahdi campe à six heures de Dem Ziber ; je combattrai jusqu’au dernier moment ; si je tombe, embrassez les miens. » Il n’eut pas même l’amère satisfaction de défendre sa liberté les armes à la main. Seul, sans officiers, sans soldats, il ne lui restait plus qu’à se rendre (avril 1884). Il fut emmené prisonnier à Omdourman, où, après avoir mené une existence misérable, il périt du typhus, le 8 mai 1888. Au Bahr-el-Ghasal, le régime égyptien n’a donc pas été renversé par les mahdistes : il s’est effondré.

Après cette victoire aisée, Keremallah entra dans la province équatoriale et somma le gouverneur de se rendre à son tour. Emin reçut simultanément la nouvelle de la capitulation de Lupton et