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ajoute d’autres, à l’est du Nil dans le Latouka, dans le Lango, dans l’Oumiro, à l’ouest, dans le Makraka, au Mombouttou, dans le Rohl, et ce fut alors, vers 1881, que la province équatoriale atteignit ses limites extrêmes.

De 1878 à 1884, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’apparition des Mahdistes lui imposa des devoirs nouveaux, il parcourt sans cesse sa province. A trois reprises, en décembre 1879, en octobre et novembre 1880, de mars à mai 1881, il visite les pays situés à l’est du Nil. En novembre et décembre 1879, il se rend par terre à Doufilé, puis remonte le Nil et pénètre dans le lac Albert. Il est au Makraka en août 1880, et à Bor en janvier 1881. Du 15 septembre au 19 décembre 1881, il séjourne dans le Rohl, et dans le Mombouttou de mai à juillet 1883. Il plaisantait lui-même son goût pour les déplacemens et se nommait en riant der ewige Wanderer « le voyageur perpétuel ». Si le plaisir de voir des pays inexplorés et surtout l’espoir de tuer un oiseau d’espèce inconnue, pour l’étudier, le décrire soigneusement, puis « le naturaliser, » le sollicitaient de quitter Lado, le souci de sa charge l’y poussait également. Arrivé dans un poste, il passait les soldats en revue, examinait les magasins, les livres de comptabilité et se faisait rendre de tout un compte exact.

Si donc il y eut une époque où la province équatoriale dut prospérer, ce fut sous le gouvernement d’Emin.

Or, l’occupation égyptienne consista dans l’exploitation du pays par quelques milliers d’étrangers. Khartoum, Berber, Dongola, avaient rejeté leur « écume » sur le Haut Nil. Parmi ces Dongolais (c’était leur dénomination collective), les uns, simples particuliers, capturaient depuis vingt ans des esclaves et les convoyaient dans le Nord. Lors d’une enquête ouverte par Emin, quelques-uns se donnèrent pour de petits marchands : djellabs. Il fut impossible à la plupart de déclarer une profession avouable. D’autres, d’un passé tout aussi douteux, étaient entrés au service du gouvernement égyptien. Entre tous, d’ailleurs, il y avait ce point commun qu’ayant trouvé dans le pays du Haut Nil une existence plus large qu’à Dongola ou à Berber, ils s’y étaient établis à demeure, s’y étaient « nichés, » comme disait Emin et vivaient aux dépens de l’indigène.

Cette exploitation ne s’exerça pas partout dans la même mesure. Relativement modérée à l’est du Nil, où les Dongolais n’émigrèrent jamais en grand nombre, elle fut odieuse dans le