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Chateaubriand écrivait à son tour : « Loin d’être à son terme, la religion du Libérateur entre à peine dans sa période politique : Liberté, Egalité, Fraternité. L’Évangile, sentence d’acquittement, n’a pas encore été lu à tous… Le christianisme, stable dans ses dogmes, est mobile dans ses lumières : sa transformation enveloppe la transformation universelle. Quand il aura atteint son plus haut point, les ténèbres achèveront de s’éclaircir ; la liberté crucifiée sur le Calvaire avec le Messie, en descendra avec lui ; elle remettra aux nations le testament écrit en leur faveur et jusqu’ici entravé dans ses clauses[1]. » Ces hautes paroles sont-elles plus françaises ou plus américaines ? Nous pouvons dire du moins, nous, Français, que, si nous doutions de l’écho qu’elles ont eu par-delà les mers, elles et d’autres semblables, nous n’aurions qu’à nous rappeler celles d’un Américain : « L’avenir catholique de la France, — disait Mgr Ireland, et il n’y a guère plus de cinq ou six ans, — est du plus vif intérêt pour l’Eglise catholique entière. Sachez-le bien, au fond de l’Amérique, nous vous regardons, nous catholiques, pour tirer de vous des leçons, des inspirations, et les non-catholiques pour voir ce qui vous manque, et pour blâmer l’Eglise catholique des fautes qui se commettent en France. Et si la France faiblit dans sa mission, l’Eglise catholique souffre, et on nous dit à nous : « Eh ! quoi, vous voulez que l’Amérique soit catholique. Et qu’est-ce qu’on fait dans ce pays de la France, la fille aînée de l’Eglise ? » Je ne saurais mieux terminer cette rapide esquisse du développement du catholicisme aux Etats-Unis, qu’en recommandant à l’attention de tous ceux qui se soucient un peu des destinées de notre pays, ces paroles du plus « Américain, » du plus républicain, et du plus démocrate des évêques de la catholicité.


FERDINAND BRUNETIERE.

  1. Mémoires d’Outre-tombe, Conclusion.