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préjugé ; qu’il était bon de montrer au peuple américain que le catholicisme ne consistait pas uniquement dans sa théologie, ou dans son mysticisme, ou dans ses pratiques de piété ; qu’il n’était pas incapable enfin des obligations de la vie commune, peut-être n’y ont-ils pas complètement échoué. Tourmentés, eux aussi, comme tant d’âmes généreuses, par le rêve de la « réunion, » et voyant dans le Congrès des religions un moyen d’en hâter ou d’en préparer la réalisation, ils l’ont saisi. Et il semble bien que, dans cet éparpillement de sectes qui fait la grande faiblesse du protestantisme, — et dont le protestantisme lui-même tantôt se lamente et tantôt se moque, — ils ne se soient pas trompés en essayant de manifester aux yeux du monde américain la forte et harmonieuse unité de l’Eglise catholique.

Que si cependant, même en Amérique, le moyen a paru dangereux, et, si l’on a pu, d’une manière générale, faire un grief aux organisateurs du Congrès d’avoir « mis sous le boisseau la lumière de l’Evangile, » on n’en renouvellera sans doute pas l’expérience. Il y a des choses qui ne se font pas deux fois et dont la signification même s’userait à se répéter. A plus forte raison, si jamais un nouveau Congrès des religions se rassemble, ne sera-ce pas en Europe, ou du moins l’Eglise catholique n’y participera-t-elle pas. Ni en Italie, ni en Allemagne, ni en France les conditions locales du catholicisme ne sont ce qu’elles sont en Amérique, aux Etats-Unis, ou, pour mieux dire peut-être, ce qu’elles y étaient il y a six ans seulement. Les Américains eux-mêmes le reconnaissent franchement. En France, notamment, un Congrès des religions serait le triomphe du Voltairianisme, je veux dire que le fait seul d’y participer serait pour toute Eglise l’abandon de son dogme et la reconnaissance du principe de la « morale indépendante. » Elle laisserait à la porte, en entrant, tout ce qui fait d’elle une Eglise ! Et c’est pourquoi nous regrettons que, de toutes les manifestations de l’américanisme, il n’y en ait aucune qui ait plus frappé les esprits en Europe que la participation des catholiques des États-Unis au Congrès de Chicago. Ce sont d’autres exemples que nous avons à recevoir de l’Amérique, d’autres leçons, moins particulières, d’un bien autre intérêt, et, si je ne me trompe, d’une bien autre portée.

« Jusqu’ici, disait naguère Mgr Ireland, lorsque je venais en