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Pour l’ensemble de la verrerie, nous restons, à très peu de chose près, au point où en étaient nos pères. Vainement, on dira que les silicates à bases multiples, dont les qualités de fusibilité sont extrêmes, marquent un progrès dans la fabrication par la facilité avec laquelle ils s’incorporent les émaux. Il convient, avant tout, de considérer le but à atteindre. Or quel est l’objet principal des préoccupations des verriers ? C’est d’abord la teinte du verre. Les uns cherchent à produire un verre aussi incolore que possible, les autres à obtenir et à maintenir une teinte déterminée, comme les fabricans de bouteilles, par exemple ; d’autres encore s’efforcent de réaliser des effets de couleurs variées ou bien d’obtenir une couleur neutre dans le cristal, et ils sont alors limités dans la proportion des élémens vitrifiables employés, ayant à craindre la formation de tel silicate de plomb perforant les creusets, colorant le produit à l’inverse des tons cherchés, ou de la neutralité désirée. Tous, en définitive, ont à envisager le prix de revient des matières employées, et par conséquent du produit obtenu.

Que l’on établisse sommairement le bilan de ce que savaient faire les verriers antiques, et qu’on l’oppose aux découvertes modernes : le résultat d’une telle comparaison est significatif. Bien que l’archéologie ait encore beaucoup de secrets à nous livrer au sujet des objets de verre trouvés dans les tombeaux et conservés aujourd’hui dans les musées, nous possédons assez d’élémens pour apprécier suffisamment le degré de science et d’habileté technique des verriers égyptiens, phéniciens, grecs et romains. Nous savons qu’ils connaissaient le verre soufflé, moulé et coulé. Nous sommes certains qu’ils le soufflaient au moyen de la canne, comme n’ont cessé de faire depuis les verriers thébains figurés en bas-reliefs sur les grottes de Beni-Hassan-el-Gadim. Enfin l’analyse chimique nous a démontré que les substances employées par eux étaient les mêmes que celles d’à présent, qu’ils coloraient les verres en bleu avec du cobalt, en vert et en bleu ou même en rouge avec des oxydes de cuivre, etc. Souvent ils mélangeaient les tons dans la fonte, et le verre alors prenait l’aspect d’une agate.

Parfois ils les disposaient avec symétrie et formaient dans la pâte transparente ou opaque des combinaisons de fils, de rubans de couleurs se déroulant en spirale, affectant une apparence de filigranes réguliers ou de vermiculés fantastiques. Il arrivait même que pour les œuvres de mérite exceptionnel, le verre était