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familial, dans l’affection de la Hollande pour la reine Wilhelmine : elle l’aime, comme elle a aimé tous les Orange ; et elle l’aime, en outre, comme elle n’a jamais aimé aucun Orange ; elle l’aime comme une fille de Nassau, et elle l’aime comme une fille à elle ; mais le fond de cet amour, c’est toujours l’amour d’une maison en qui elle s’aime. Cette nouvelle alliance, on a raison de le répéter, c’est toujours l’antique alliance, celle qui fut contractée il y a plus de trois siècles, dès que le Taciturne et la Hollande se rencontrèrent. Dès qu’il l’eut vue, il ne par la plus d’elle que comme d’une fiancée que se disputaient les prétendans. Des six filles qu’il eut de Charlotte de Bourbon, sa troisième femme, il en appela une Catherine Belgique, une autre Flandrine, une autre Charlotte Brabantique. Les provinces, en revanche, ne l’appelèrent plus que leur père Guillaume, Vader Willem. De ce prince à cette nation, il se fonda une famille. Le Taciturne, et en lui tous ses descendans, tous ceux de son nom, tous les Orange, épousèrent la Néerlande.

Il serait excessif de prétendre qu’entre eux il n’y eut point, dans la suite des temps, la moindre querelle, que tous les Orange furent pour la Hollande des maris parfaits, et qu’elle n’eut, en nulle occasion, rien à leur pardonner. Elle le sait bien, certes, et elle l’a éprouvé souvent, que c’est une race au sang bouillant, qui, depuis Philippe, comte de Buren, le fils aîné du Taciturne, jusqu’au dernier des Nassau-Dielz, Guillaume III, a des emportemens terribles, mais avec de généreux retours ; race guerrière, cavalière et seigneuriale, en vérité, où des formes de la continence, tel et tel n’en voulurent connaître et n’en pratiquer que quelques-unes : grands chasseurs, grands écuyers, grands mangeurs, grands buveurs, point détachés des choses charnelles.

Elle sait cela, et elle sait aussi tous les élémens étrangers que tant d’unions, saxonnes, prussiennes et russes, ont mêlés à ce sang effervescent des Nassau. Mais elle sait par-dessus tout que, de la ligne othonique ou d’une autre ligne, issus, par les comtes de Dillenbourg, de Jean, frère du Taciturne, ou, par Frédéric-Henri et Maurice, du Taciturne lui-même, ce sont toujours des Orange-Nassau, et que jamais, dans les nécessités de l’histoire,