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présenter à ses compatriotes, mais un fait d’une portée générale, un exemple de ce que sont aujourd’hui, en Angleterre, la vie et les mœurs catholiques, et de l’impression qu’en reçoit fatalement un spectateur désintéressé. Helbeck of Bannisdale est, pour elle, un roman à thèse, comme a été jadis Robert Elsmere[1] : et Alan Helbeck, et le curé Bowles, et les sœurs de l’orphelinat, tous les personnages doivent, dans son intention, être des types autant et plus que des individus. Elle nous le donne assez à sentir, tout au long de son récit, avec une insistance souvent excessive : et l’on ne peut s’empêcher de penser, notamment, que l’épisode de la petite orpheline aurait eu plus d’effet si l’auteur, dans son zèle anticatholique, n’avait pas trop négligé de le rendre vraisemblable. Mais elle ne s’est occupée que de la thèse à soutenir, de telle sorte que les divers épisodes de son récit ne lui sont apparus que comme des argumens.

Son objet a été de prouver que l’atmosphère morale et intellectuelle du catholicisme est absolument irrespirable, désormais, pour une âme supérieure. « Laura, nous dit-elle, avait été élevée dans ce fort sentiment de la dignité moderne qui s’est substitué, aujourd’hui, à l’abaissement et à l’humiliation de la foi religieuse. » Ailleurs elle met en scène un vieux professeur de Cambridge qui n’a d’autre rôle que d’exprimer la conclusion morale du roman entier. « L’humanité, — proclame ce sage, — a marché durant des siècles à l’ombre de la doctrine de la Chute : mais désormais une conception opposée s’insinue, peu à peu, dans toutes les formes de la pensée européenne. C’est la disparition du monde ancien, la naissance d’un monde nouveau. Les hommes d’à présent ont conscience d’une dignité personnelle que leurs pères ne soupçonnaient pas. La stature spirituelle de l’homme civilisé s’est élevée, comme sa stature physique. Nous foulons, aujourd’hui, une terre plus noble. Ce n’est plus en esclaves, mais en hommes libres que nous entrons dans la maison de Dieu. » Et le roman porte en épigraphe cette citation latine :

Melus Me… Acherontis
Funditus humanam qui vitam turbat ab imo.


Metus Acherontis, c’est la pensée des « quatre fins dernières » troublant, dégradant, annulant la vie du noble Alan Helbeck ; c’est

  1. Sur ce roman, voyez dans la Revue du 1er décembre 1889, l’étude de M. Th. Bentzon.