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devient un niais et grossier sectaire, l’égal du curé Bowles, dès que les affaires de sa foi sont en jeu. Laura l’entend, un soir, raconter qu’un missionnaire de ses amis, partant pour l’Afrique, s’est chargé de recueillir à son intention « tous les traits capables de discréditer ou de rendre ridicules les missionnaires anglicans délégués dans les mêmes régions. » Et il cite quelques-uns de ces traits, et il « en rit immodérément, lui qui ne riait pour ainsi dire jamais. » Et Laura découvre là « un nouvel élément de son caractère, quelque chose de petit et de vilain, comme une place pourrie à l’intérieur d’un beau fruit. »

Autre « place pourrie », dont la découverte ne lui fait pas moins de peine. Elle apprend qu’Alan Helbeck a converti au catholicisme un jeune paysan des environs, qui était venu peindre dans la chapelle de Bannisdale : et non seulement ce jeune homme a quitté ses parens, qui comptaient sur son travail pour vivre ; non seulement ses maîtres les Jésuites ne l’ont pas laissé se rendre auprès de sa mère mourante ; mais on lui a encore défendu de cultiver ses dons d’artiste, — car le jeune paysan était un peintre de génie : — et Helbeck, qui jadis avait découvert le premier sa vocation artistique, admet fort bien à présent de l’y voir renoncer.

La foi passe, pour lui, avant l’art comme avant toute chose : Laura constate avec terreur ce monstrueux effet du catholicisme. Car elle sent qu’Alan est né pour jouir de la beauté : il aurait été peintre ou poète, si sa nature avait pu se développer librement ; mais le malheureux est catholique, et il se détourne de toute beauté sensible, et il vend son Romney pour entretenir un orphelinat ! Il songe bien, en vérité, à ne pas le vendre, pour faire plaisir à Laura, dont il est follement amoureux ; mais, après avoir tenté de vendre plutôt un terrain, il s’aperçoit que ce terrain va être acheté par des protestans, qui vont l’employer à bâtir une église anglicane. Vendre le terrain, dans ces conditions, serait commettre un péché trop lourd : et c’est le Romney qui va chez le marchand.


Mais on n’en finirait pas à vouloir citer les diverses manifestations du catholicisme qu’observe, tour à tour, la jeune agnostique, durant son séjour au manoir de Bannisdale. Tout ce qu’elle y voit n’est que cruauté et hypocrisie, lutte contre la nature et la vérité. C’est le catholicisme qui a dévasté la maison ; c’est lui qui a semé, dans le pays, la haine et le désespoir ; c’est lui qui a