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UN ROMAN AGNOSTIQUE

:Helbeck of Bannisdale, par Mrs Humphry Ward, 1 vol., Londres, 1898[1].


Qu’on imagine une jeune Anglaise d’esprit positif et d’humeur indépendante, avec cela élevée absolument en dehors de toute religion, qu’on l’imagine transportée soudain dans un milieu catholique. C’est le cas de Miss Laura Fountain, l’héroïne du dernier roman de Mrs Humphry Ward : fille d’un savant qui regardait le christianisme comme le grand « ennemi, » et pour qui « tout homme qui prenait soin de son âme était ou un lâche ou un sot, » elle se trouve recueillie, après la mort de son père, dans un vieux manoir du Westmoreland, Bannisdale, dont les maîtres ont toujours été de fervens « papistes. » Le maître actuel, Alan Helbeck, — dont le père de Laura a épousé la sœur, en secondes noces, — est un homme jeune encore, plein de vie et de santé, et un gentilhomme en toute façon : mais la traditionnelle piété de sa race s’est encore, chez lui, affinée et exagérée, sous l’effet de l’éducation qu’il a reçue dans un collège de Jésuites. Et voici maintenant quelques-unes des particularités qui s’imposent le plus vivement à l’attention de la jeune fille, dès son arrivée dans ce milieu nouveau.


I

Elle est frappée, d’abord, de l’aspect misérable et lugubre du manoir, avec ses murs nus, ses chambres sans meubles, ses portes et ses fenêtres dégarnies de leurs fines boiseries. Seule une peinture de Romney, d’ailleurs merveilleusement belle, reste là pour évoquer le luxe d’autrefois : c’est le portrait d’une Helbeck

  1. Sur les romans précédens de Mrs Humphry Ward, voyez l’étude de M. G. Bonet-Maury dans la Revue du 1er avril 1896.