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Cameroun, à laquelle la prolongation de son hinterland jusqu’au 11e parallèle sur une profondeur de 500 kilomètres assure une suffisante vitalité.

Autrement longues et malaisées ont été les négociations entre la France et l’Angleterre. A vrai dire, les pourparlers commencèrent au lendemain même de l’accord du 5 août 1890. Cet accord, en fixant comme frontière commune du Niger au lac Tchad la ligne Saï-Barroua, s’était borné à partager entre les deux puissances intéressées la rive gauche du Niger ; la rive droite avait été exclue des négociations. En vue de combler cette lacune et de préciser la ligne Saï-Barroua, la France et l’Angleterre s’étaient engagées, aux termes de l’article 3 de la convention, à nommer une commission qui siégerait à Paris. Les commissaires furent en effet désignés, mais leurs travaux n’avancèrent guère la solution de la question, et, en 1896, lors de la signature de la convention du 15 janvier relative à la neutralité du Siam, on dut prévoir la nomination d’une nouvelle commission qui déterminerait d’une manière définitive les zones d’influence de la France et de l’Angleterre dans la vallée du Niger. Des premiers pourparlers furent entamés qui n’aboutirent à aucun résultat. Les dernières négociations devaient être plus heureuses. Commencées le 21 octobre 1897, elles se sont terminées le 14 juin 1898. Les commissaires ont été pour la France MM. Binger et Lecomte, pour l’Angleterre M. Martin Gosselin, ministre plénipotentiaire, et le colonel William Everett. La frontière commune à déterminer n’avait pas moins de quatre mille kilomètres, tant sur la rive droite que sur la rive gauche du Niger.

Pour apprécier à sa juste valeur la convention du 14 juin 1898, il faut se reporter aux prétentions qui étaient affirmées, à la veille de l’ouverture des négociations définitives entre les deux pays. Ce n’était pas seulement à propos des territoires non encore délimités de la rive droite du Niger que s’accusaient les divergences de vues, mais aussi au sujet des territoires de la rive gauche dont la frontière commune avait été sommairement déterminée par la ligne Saï-Barroua. L’article 2 de la convention du 5 août 1890 disait en propres termes : « Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique reconnaît la zone d’influence de la France au sud de ses possessions méditerranéennes jusqu’à une ligne de Saï, sur le Niger à Barroua, sur le lac Tchad, tracée de façon à comprendre dans la zone d’action de la Compagnie du Niger tout ce qui