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territoires situés au midi de cette ligne que leur avaient pourtant reconnue les traités ; et, en gens éminemment pratiques, ils attendaient patiemment, pour se mettre sur les bras l’administration de ces pays, que le commerce leur y eût créé de suffisans intérêts.

En procédant ainsi, les Anglais se montraient fidèles à la vieille méthode coloniale de l’Angleterre, qui est de ne développer l’administration d’une contrée qu’autant que s’en développe l’exploitation et d’éviter le plus possible l’intervention de la force armée dans la prise de possession d’un pays. Cette méthode, qui laisse les nationaux anglais libres d’agir à leurs risques et périls, qui n’engage pas la responsabilité de la métropole, qui permet à cette dernière d’acquérir de vastes territoires sans coup férir et de les administrer sans dépenses stériles, est bonne. Elle a cependant un inconvénient, c’est de demander beaucoup de temps pour produire le résultat cherché, et si dans l’intervalle, à un moment donné, survient un compétiteur qui mette brusquement la main sur le terrain non encore proclamé officiellement possession britannique, le pays convoité échappe à l’Angleterre et cette dernière se trouve en définitive avoir travaillé pour autrui. On peut citer comme exemple frappant qui démontre le défaut de cette politique à longue portée la mainmise par les Allemands sur les districts du Cameroun, que l’on pouvait considérer comme compris depuis un demi-siècle dans la sphère d’influence anglaise. Pareille mésaventure devait arriver à leurs colonies de la côte d’Or et du Lagos.

L’heure du péril pour ces deux colonies sonna le jour où, après avoir conquis le Dahomey, nous remontâmes du littoral vers le Niger moyen, nous élevant progressivement vers le nord avec l’intention d’empiéter, par l’occupation militaire du Mossi, du Gourma et du Borgou, sur l’hinterland de la côte d’Or et de Lagos. Alors seulement les Anglais se décidèrent à agir avec vigueur. De la côte d’Or partit, au commencement de 1894, une mission à la tête de laquelle fut placé un nègre de sang mêlé, nommé Fergusson. Ce dernier fit une extrême diligence, hissa le drapeau anglais à Salaga, conclut un traité de protectorat avec le chef de Sansonné-Mango, puis avec les chefs du Mampoursi, du Gourounsi et du Mossi, et redescendit vers le littoral par Bobo-Diolassou et Oua, semant les traités sur son passage, et se vantant à son retour d’avoir placé sous l’influence de l’Angleterre tout l’intérieur