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des résultats ; son exploitation est une opération commerciale comme une autre, et l’on sait que la première condition à remplir pour obtenir un gain, c’est de tenir les frais au-dessous des recettes. Ils sont avant tout les ennemis d’une politique coûteuse et sans profits économiques appréciables. Dans le cas présent, l’avantage de la possession d’une zone plus ou moins avancée dans la région du haut Niger ne parut pas au Foreign-Office suffisamment compensé par les éventualités de guerres, les soucis d’administration et les dépenses qui pourraient résulter de l’occupation, et il nous abandonna sans trop de regrets la vallée du haut Niger, comme il nous avait abandonné déjà la côte d’Ivoire et une partie de la côte des Esclaves. Pareil état d’esprit dicta sans doute aussi la convention anglo-française du 5 août 1890, qui fixa les limites de notre domination sur la rive gauche du Niger. Aux termes de cette convention, la limite des possessions méditerranéennes de la France fut reportée sur le moyen Niger et sur le lac Tchad et déterminée par une ligne tirée de Saï à Barroua. L’Angleterre nous reconnaissait des millions de kilomètres carrés dans le Sahara, et nous lui laissions le champ libre au midi de cette ligne jusqu’à l’Océan. On a beaucoup critiqué cette convention. En fait et historiquement parlant, elle ne fut que la reconnaissance par la diplomatie des efforts faits par l’Angleterre pour dominer dans le bas Niger, et par la France, dans les hautes vallées du fleuve. Elle nous fut même, en un sens, assez avantageuse, car, à l’époque, nous n’avions pas encore atteint Tombouctou, et nos droits sur le cours du Niger furent reconnus jusqu’à Saï, sur le Niger moyen, à plus de mille kilomètres en aval de cette ville.


IV

La convention de 1890, d’ailleurs, loin de retarder nos progrès, eut pour résultat de rendre plus rapide et plus complète notre pénétration non seulement dans la vallée du haut Niger, mais encore dans celle du Niger moyen. Au Parlement britannique, lord Salisbury put bien se gaudir « des terres légères » du Sahara qui nous étaient abandonnées et railler le coq gaulois qui aime à gratter le sable et à la manie duquel on avait fourni ample matière ; le gouvernement français vit dans la convention tout autre chose qu’un octroi gratuit d’immenses zones désertiques. Pour lui, l’extension de ses possessions méditerranéennes sur le