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IX

La suite de l’histoire des communes excède le cadre de notre étude. Jeanne y est désormais étrangère. Rappelons seulement que la prise de Tordesillas ne découragea point les chefs du mouvement : il leur restait une armée nombreuse, une grande partie de la population demeurait attachée à leur cause, eux-mêmes gardaient une confiance énergique dans leurs ressources, et leurs convictions n’avaient point fléchi. D’autre part, les ministres de la Couronne, malgré leur succès, n’étaient pas sans inquiétude, sachant bien qu’ils avaient encore devant eux des forces commandées par des hommes résolus à ne point céder avant d’avoir tenté une lutte suprême. Ajoutons qu’ils n’étaient pas d’accord sur la marche à suivre et n’appréciaient pas tout à fait de même le caractère de l’insurrection. Vieilli dans les conseils de Ferdinand le Catholique, qui avait toujours su concilier son autorité avec les franchises municipales, l’amirauté jugeait « sages et utiles » plusieurs articles du programme populaire : il eût souhaité une entente, et recommandait au Roi des mesures pacifiques : « Les princes doivent être démens, lui écrivait-il, leur gloire est de gagner les cœurs. » Le cardinal Adrien penchait aussi vers la douceur. Le connétable était plus belliqueux ; mais il estimait nécessaire, pour frapper les derniers coups, et pour assurer la victoire, que don Carlos vînt immédiatement en Espagne prendre la direction des affaires. La majorité des seigneurs, nettement hostile aux principes politiques des communes, excitée par le succès de Tordesillas, ne voulait rien concéder à l’insurrection ; le marquis de Dénia, en particulier, était implacable, et la haute faveur dont il jouissait auprès du Prince lui donnait beaucoup d’influence sur les décisions du gouvernement.

Ce fut le parti de la guerre qui l’emporta. Un grand événement, l’élévation de don Carlos à l’Empire, exalta les espérances de ses partisans. Les droits et le prestige du maître leur parurent dès lors irrésistibles, et lui-même, plus que jamais persuadé du caractère sacré de son pouvoir, ne comprenait qu’une soumission absolue et sans réserve à la Majesté Impériale. Le cardinal et l’amirauté s’inclinèrent, et le Conseil adressa à la junte réunie à Valladolid un solennel ultimatum. Celle-ci répondit en termes respectueux sans doute, mais par une fin de non-recevoir très