des affaires et s’en entretiendra seulement en cas de nécessité avec les délégués de la junte. « Je ferai ce que je pourrai, » dit-elle en terminant son obscure harangue, mais elle refusa de désigner les personnes qui seraient admises à lui parler des choses du gouvernement.
Ce n’était pas encourageant. Néanmoins, en saisissant au passage quelques plaintes émouvantes et quelques expressions sympathiques aux malheurs du pays, les chefs de l’insurrection ont pu, sans trop s’écarter de la vérité, former une manière de discours politique, non pas explicite assurément, mais en somme assez bienveillant pour leur entreprise. En tout cas, ils affectèrent d’en être satisfaits, de crier au miracle, de vanter le bon jugement de la reine, et préparèrent aussitôt un ensemble de mesures que la sanction de Jeanne devait rendre définitives. Mais ce fut ici qu’ils éprouvèrent une déception profonde ; ils se heurtaient au même obstacle qu’avaient rencontré jadis l’archiduc, Ferdinand et Ximénès : lorsqu’ils demandèrent la signature de Jeanne, celle-ci la leur refusa énergiquement. Ainsi ce nom royal, qui eût été leur force et leur droit, qui seul eût, aux yeux du peuple, légitimé leur conduite, leur échappait à l’instant suprême. Bien plus, l’obstination invincible de la princesse équivalait dans l’opinion publique à un désaveu. C’était pour eux un grave et même un irrémédiable échec, et pour leurs adversaires un triomphe : ceux-ci pouvaient désormais les accuser d’avoir falsifié le langage de Jeanne et de la détenir prisonnière ; ils semblaient autorisés dès lors à les traiter en ennemis publics. Don Carlos se montra plus décidé que jamais à la lutte à outrance contre un parti qu’il accusait de séquestrer sa mère. Il adjoignit au timide cardinal Adrien deux hommes de guerre, le connétable et l’amirante de Castille, lesquels affirmaient hautement être prêts à tout, — « même, écrivait ce dernier, à appeler des Allemands, des Français, voire des Turcs, » — pour réduire la rébellion.
La junte, fort alarmée, changea de tactique. Après avoir paru nier l’état mental de la reine, elle le reconnut publiquement, pour diminuer l’effet du refus de signature. Dans une dépêche adressée à la ville de Valladolid, elle déclara le défaut de santé que les pouvoirs précédens avaient tour à tour indiqué, annonça l’intention d’appeler à Tordesillas les plus fameux médecins de l’Espagne, et ordonna des prières publiques pour obtenir la grâce de la guérison. On redoubla, en outre, d’obsessions auprès de