membres du Conseil royal restés à Valladolid furent emprisonnés, et sommation fut faite aux officiers de la Couronne d’apporter à Tordesillas les livres de comptes et le sceau de l’Etat.
Ce fut dans ces conjonctures que la junte fut reçue par Jeanne en audience solennelle. Nous avons sous les yeux le protocole de cette séance signé de trois « écrivains et notaires publics » requis à cet effet. Un tel document, témoignage unique, rédigé sous le contrôle des chefs du mouvement, nous paraît fort suspect. La mise en scène et les discours des orateurs sont probablement exacts, mais l’allocution de la reine a été évidemment coordonnée et remaniée, et ce genre de travail facilite les modifications et erreurs préméditées. Ce qui est certain, c’est que Jeanne, accompagnée de l’infante Catherine, accueillit avec quelque appareil la junte et plusieurs députés aux Cortès. Le représentant de Tolède, au nom de ses collègues, lui baisa la main, genou en terre, et la supplia de « faire effort pour administrer le royaume. » Le chanoine Zuniga, député de Salamanque, exposa la détresse du pays, livré aux étrangers : il ajouta que les peuples avaient recours à leur dame et souveraine, et la pria, lui aussi, de prendre sur elle-même pour les gouverner. On se demande, en constatant ces touchantes instances, deux fois renouvelées, si la junte, incomplètement instruite de l’état mental de la reine, se faisait l’illusion de la croire capable de l’entendre et de donner suite à sa prière, ou plutôt si, connaissant la vérité, elle ne prétendait pas seulement obtenir de son esprit confus et troublé quelque vague assentiment dont elle pût s’autoriser devant le pays pour le succès de la cause. Quoi qu’il en soit de ces hypothèses, la réponse de Jeanne, même dans le texte revu et combiné par les rédacteurs du procès-verbal, demeure fort décousue, et il est visible que, même en accentuant ses phrases dolentes et flottantes, on n’a pu donner à son langage la forme d’une déclaration énergique et précise. Après une série de lamentations diffuses sur les soucis que lui donnent des faits qu’on lui avait cachés, elle ajoute qu’elle s’entendra volontiers avec les députés « pour faire le bien. » On lui fait dire ensuite qu’elle s’étonne que ses peuples n’aient pas depuis longtemps tiré vengeance des maux qu’ils ont subis. D’autre part, elle déclare qu’étant plongée dans la tristesse, elle ne pourra s’occuper