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nées, comme on suit dans un laboratoire d’embryogénie le développement des êtres actuels.

Nous avons des fossiles siluriens de divers pays et notamment de la France ; c’est au Silurien qu’appartiennent les ardoises d’Angers, riches en grands Trilobites et les cercueils de la Hunaudière où sont enfermés tant de Calymene Tristani. C’est aussi dans le Silurien de la France qu’on a trouvé le plus de Bilobites et les autres corps décrits sous le nom d’organismes problématiques. Nous en avons une curieuse collection grâce à un legs de Marie Rouault. Perruquier du rang le plus modeste dans un faubourg de Rennes, Marie Rouault arriva un jour à Paris, apportant des fossiles et des manuscrits qui surprirent fort les princes de la science. Je le vois encore entrant dans le Jardin des Plantes, gros et petit, avec ses yeux bleus, ses longs cheveux de Breton, sa figure un peu craintive, son costume très simple. Parmi les objets recueillis par lui il faut citer les Bilobites et les Vexillum, qui ont reçu leur nom de ce qu’on les a comparés à un drapeau enroulé sur lui-même. Ces organismes problématiques ont donné lieu à de vives polémiques ; le Suédois Nathorst, le professeur Édouard Bureau et la plupart des naturalistes pensent aujourd’hui que ce sont des empreintes dues à des actions physiques ou à des animaux on marche.

En somme, ce qui domine dans le Silurien, ce sont les Polypiers, les Crinoïdes, les Brachiopodes, les Mollusques et les Crustacés. Les Vertébrés y sont des raretés ; les seuls restes que notre Muséum possède sont des écailles de poissons que j’ai recueillies avec M. Boule dans le Silurien inférieur de Cañon City (Montagnes Rocheuses).

Du Silurien on passe au Dévonien. Les Invertébrés n’ont pas fait des progrès bien sensibles. Mais le développement des Vertébrés est un événement considérable dans l’histoire du monde animé. À la vérité, ce ne sont que des poissons, et encore ces poissons ont-ils des caractères rudimentaires. Il est impossible de ne pas voir dans ces premiers Vertébrés une preuve d’évolution, car ils sont imparfaitement vertébrés. Les uns sont dans l’état des embryons chez lesquels aucune partie de la colonne vertébrale n’est ossifiée ; tels sont les Pteraspis, Cephalaspis et Pterichthys qui rappellent les Crustacés autant que les Poissons. Les autres, comme le Coccosteus, ont les arcs supérieurs et inférieurs de leurs vertèbres ossifiés, mais leurs corps sont restés cartilagineux.