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de soixante-huit ans, quand on le nomma professeur ; il n’avait encore jamais professé ; il mourut avant d’être monté en chaire, en janvier 1871.

Il arriva, à la mort de Lartet, une étrange chose : plusieurs des professeurs du Muséum voulurent supprimer la chaire de paléontologie. Cette science avait pourtant fait des progrès rapides ; l’admirable livre de Darwin sur l’origine des êtres avait déterminé un nouveau courant d’idées. On s’était attaché à l’étude des enchaînemens des êtres et on commençait à entrevoir que l’histoire du monde est l’histoire d’une évolution qui se poursuit à travers l’immensité des âges ; la paléontologie tâchait d’embrasser l’étude du plan qui a présidé au développement de la vie. Malgré le caractère philosophique que prenait la paléontologie, on voulut revenir à l’état de choses qui existait du temps de Cuvier. Il parut un jour un arrêté nommant le professeur de Strasbourg, Schimper, chargé au Jardin des Plantes d’un cours sur les plantes fossiles, en place du cours de paléontologie. L’éminent botaniste refusa. Il écrivit à mon ami Saporta qu’il ne voulait pas contribuer à la suppression d’un cours devenu indispensable à notre époque. Après ce refus, l’opposition contre la chaire de paléontologie continua. J’ai entre les mains la lettre suivante de Jules Simon, alors ministre de l’Instruction publique, adressée à l’un de ses confrères de l’Institut, Léonce de Lavergne : « Mon cher confrère, ainsi que je le pensais, le Muséum a été consulté sur l’opportunité de la déclaration de vacance de la chaire. Il est opposé au maintien de la chaire ; nous attendrons sa réponse avant d’agir. Croyez, je vous prie, à mes sentimens les plus dévoués. »

Il était peu vraisemblable qu’un philosophe comme Jules Simon accepterait la suppression de la seule chaire de France où l’on étudiât l’histoire des origines et des développemens du monde animé. La question de savoir s’il convenait de conserver la chaire de paléontologie fut soumise à l’assemblée du Muséum ; quatre professeurs votèrent contre son maintien ; la majorité vota pour. Je fus nommé professeur de paléontologie. Mais il fut convenu que le professeur de paléontologie continuerait à ne pas être chargé de l’administration des collections de fossiles placées dans les galeries publiques ; le professeur d’anatomie comparée vint prendre dans les collections formées par nous tous les objets qui lui plurent, et notamment les plus belles pièces provenant de mes fouilles à Pikermi, en Grèce.