sentiment suranné de la patrie et au patriotisme, aveugle de naissance, nous substituons le sentiment de classe ; à la solidarité nationale, la solidarité prolétarienne, autrement large et autrement féconde. Les liens de famille céderont la place aux liens corporatifs. La religion, l’enfantine croyance à un Dieu et à un paradis invisible s’effacera devant le dogme de la fraternité humaine et la foi en l’humanité. Et ainsi, partout, nous ne supprimons les anciens groupes et les antiques liens sociaux que pour en établir de nouveaux, à la fois plus forts et plus rationnels.
L’ANARCHISTE. — Ils seront artificiels vos liens et vos groupemens nouveaux, artificiels et tyranniques ; ils n’auront ni la spontanéité, ni la force, ni la douceur des liens nationaux ou des liens du sang. Entraves pour entraves et chaînes pour chaînes, autant valaient les anciennes.
LE COLLECTIVISTE. — On ne verse pas de vin nouveau dans de vieilles outres. A société nouvelle et à nouvel idéal, il faut des institutions et des cadres nouveaux. Vous n’irez pas nier qu’il s’est levé, sur le monde, un nouvel idéal. Il resplendit partout, autour de nous, il éclaire les esprits, il réchauffe les cœurs de nos contemporains. Et quel est-il, cet idéal des jeunes et des forts ? C’est, avant tout, un idéal social. Regardez autour de vous, interrogez les hommes ; partout, même dans les cercles les mieux calfeutrés contre le collectivisme, l’idée sociale pénètre, peu à peu, et se substitue à l’étroit point de vue individuel. Des eunuques du dilettantisme aux apôtres de l’action, c’est grâce à elle que nos contemporains retrouvent un sens à la vie. Jusqu’à ces égoïstes de bourgeois, qui proclament, hypocritement, ce qu’ils nomment, avec emphase, le devoir social. Jusqu’au Pape et aux vieilles Eglises qui, à la clarté du socialisme, découvrent, dans leurs bibles, des vérités qu’ils y avaient laissées dormir durant des siècles. Et ainsi, nous avons le christianisme social, et je ne sais quel socialisme bourgeois, ou quel socialisme d’Etat, autant de contrefaçons du socialisme, qui témoignent de la puissance de l’idée sociale. C’est que l’humanité, dans tous les rangs, dans tous les camps, prend conscience de devoirs longtemps méconnus. Au contact des idées nouvelles, la vieille morale s’effrite ; et comme une société ne peut guère plus se passer de règle idéale qu’un être vivant d’air respirable, à la place de l’ancienne morale religieuse, en surgit une autre, plus virile et plus humaine, qui repose, tout entière, sur le sentiment de la solidarité. Une morale, peut-être