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qu’il ne l’avait pas fait jusqu’ici, et nous sommes bien de son avis. Le gouvernement a beaucoup à faire pour assurer le respect de nos institutions fondamentales, tous les jours attaquées et bafouées. S’il s’acquitte de cette tâche, qui est la sienne, il obtiendra du même coup le respect dont il devrait lui-même être entouré.

Et alors, nous pourrons peut-être nous occuper d’autres affaires, infiniment plus importantes pour l’avenir du monde, et dont il serait beaucoup plus intéressant de parler. La situation de la Chine, par exemple, mérite en ce moment la plus grande attention. Des nouvelles imprévues sont arrivées de Pékin, où s’est produite une révolution de palais dont on ignore encore la gravité. L’empereur a disgracié Li Hung Tchang que l’on considérait comme le représentant du système russe, et les journaux anglais n’ont pas pu se retenir de pousser des cris de satisfaction. Ils auraient mieux fait d’attendre quelques jours encore, car Li Hung Tchang n’a pas tardé à reprendre tout son pouvoir, grâce à l’intervention de l’impératrice-douairière, devant laquelle le jeune empereur s’est aussitôt éclipsé. On a même dit que sa vie était en danger. La lutte d’influence qui se poursuit en Extrême-Orient serait bien faite pour nous occuper, si l’affaire Dreyfus nous laissait quelque relâche. Parlerons-nous de la Crète ? Les quatre puissances qui y sont toujours représentées ont fait une démarche auprès du sultan pour lui demander le retrait de ses troupes. Le sultan s’inclinera-t-il devant l’autorité de l’Angleterre, de la France, de la Russie et de l’Italie réunies ? Il y aurait lieu de se le demander ; mais la place nous manque, et nous nous réservons d’y revenir. Pourtant, nous ne voulons pas donner complètement raison aux journaux étrangers qui affectent de nous croire absorbés par l’affaire Dreyfus encore plus que cela n’est vrai. Tel journal allemand n’hésite pas à écrire que nous avons peut-être raison dans l’affaire de Fashoda, mais qu’il n’importe guère et qu’il n’en sera ni plus ni moins, parce que notre esprit est tout entier ailleurs. Certes, rien n’est plus faux, et c’est passer un peu à notre égard les limites permises de l’ironie, ou peut-être du mauvais goût.

Nous avons annoncé déjà l’heureux succès pour les Anglo-Egyptiens de la bataille d’Omdurman. Quels que soient les points sur lesquels nous sommes, en Égypte, en divergence avec les Anglais, c’est là, comme nous l’avons dit, une victoire de la civilisation sur la barbarie et nous devions, par conséquent, faire un bon accueil à cette nouvelle. Il y a de plus, en France, un sentiment naturel qui nous porte à rendre justice à une opération militaire bien préparée et