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le colonel Henry, en présence du général de Boisdeffre, qui vraisemblablement y a pris part ? Nous aimons à le croire, car une omission de cette nature, en pareille occurrence, serait difficilement excusable. Mais alors, pourquoi ce procès-verbal n’a-t-il pas été publié ? On ne dira pas qu’il contenait des détails compromettans pour la sécurité nationale ! En revanche, il pouvait et il devait en contenir sur le rôle tout entier que le colonel Henry a joué dans toute cette affaire. Comment croire, en effet, que M. Cavaignac, mis en éveil par un aveu qui jetait sur tout le passé de l’affaire des clartés encore vacillantes, mais d’une portée si étendue, s’en est tenu là et n’en a pas demandé davantage ? Une telle prudence aurait été plus qu’exagérée. Le colonel Henry a évidemment subi un interrogatoire, où l’on s’est efforcé de mettre sa conscience à nu. Il avait beaucoup de choses à dire, pourvu qu’on les lui demandât, et sa confession ne devait pas s’arrêter à un unique péché. S’il n’en a pas commis d’autre, encore était-il important de le savoir, et on a dû le presser de questions à ce sujet. Qu’a-t-il répondu ? Quelles ont été ses explications ? Voilà ce que nous avions quelque droit de savoir, et ce qu’on a tenu jusqu’à présent obstinément caché. Le fait nouveau qui venait de se produire ne pouvait être apprécié dans toutes ses conséquences rétrospectives qu’à la condition d’être complètement connu. Il ne l’a été que d’une manière partielle. On a ému l’opinion, on ne l’a pas éclairée ; — et si elle s’est quelque peu égarée par la suite, à qui la faute ?

M. Cavaignac, qui en avait annoncé l’intention à la Chambre, a traduit le commandant Esterhazy devant un conseil d’enquête ; et le général Zurlinden y a traduit à son tour le colonel du Paty de Clam. L’un et l’autre de ces deux officiers ont été l’objet de mesures disciplinaires : pourquoi ? Nous savons bien qu’on n’a pas l’habitude de le dire ; mais les circonstances actuelles sont trop exceptionnelles pour que la règle du secret puisse leur être appliquée d’une manière stricte. En fait, elle ne l’est pas, et cette fois encore il faut répéter que le public en sait trop ou trop peu. Eût-il été préférable qu’il ne sût rien du tout : mais était-ce possible ? était-ce réalisable ? est-ce réalisé ? Non, assurément. Mille bruits courent le monde ; ils sont recueillis et commentés par les journaux ; ils bourdonnent dans toutes les imaginations. Les uns sont vrais, les autres sont faux ; qui fera le départ entre eux ? Le gouvernement le pourrait ; il lui suffirait pour cela d’une note courte et précise que les agences officieuses communiqueraient à la presse ; on est surpris qu’il n’ait pas eu recours dans cette circonstance à un procédé dont il abuse si souvent dans d’autres. Nous n’attachons pour