l’école de guerre pour acquérir une foule de connaissances, pour étudier les mathématiques, la physique, l’histoire, la jurisprudence et jusqu’à la philosophie de Hegel : « Je ne me repentais point, dit-il, d’avoir passé par l’école de guerre ; je ressentais plus qu’auparavant la joie de vivre. Je pouvais désormais m’échauffer pour toutes les questions du jour, je voyais le monde avec d’autres yeux. Mon regard s’était étendu, je me sentais plus sûr de moi-même. Je ne puis que recommander à chacun de profiter de toute occasion de s’instruire, ne sût-il pas quel profit il en tirera. » Pour tout dire, ce jeune homme instruit avait encore un autre avantage aux yeux du maître qui désirait l’employer à Vienne. Mystiques ou non, les rois de Prusse n’ont pas d’habitude la main très donnante : on n’avait point de fonds à lui offrir. Il devait s’acquitter de sa mission à ses frais, et on n’avait trouvé dans le grand état-major aucun officier qui ne posât en principe que travailler et payer, c’est trop.
Quoique la question d’argent ne fût rien pour lui, il demanda toutefois à réfléchir. Ce lieutenant d’artillerie, qui savait à fond son métier, doutait de son aptitude à remplir une mission plus politique encore que militaire. Il s’avisa cependant que sans avoir jamais étudié la politique, il l’avait apprise sans y penser et malgré lui. Son père, qui après avoir été membre de la seconde Chambre, entra dans la Chambre des seigneurs, venait toutes les années à Berlin pour les sessions, et le prince Kraft dînait chaque jour avec lui à une table d’hôte, où il rencontrait tous les politiciens en vue : « Leurs entretiens m’avaient initié à toutes les manœuvres parlementaires. On discutait à table les discours de la veille, les votes du lendemain. J’avais pris pied dans les coulisses, et il en est de ces coulisses comme des autres : on y apprend à se défier du clinquant et on voit pâlir les auréoles. J’y appris pour ma part que les plus magnifiques discours n’étaient que des coups de théâtre, comment se mènent les négociations où les votes s’achètent, se marchandent, se brocantent, et que le régime représentatif est une comédie, qui n’en impose qu’au public, ce grand enfant. » Bref il avait appris à distinguer les apparences des réalités et à chercher en toute chose les dessous, ce qui est une bonne préparation à la diplomatie. Ayant étudié l’histoire, il ne pensait pas que les intrigues parlementaires fussent les seules qui missent en danger les grands intérêts publics, il tenait qu’avec ou sans parlement, les gouvernemens qui savent bien ce qu’ils veulent viennent à bout de leurs desseins, que ceux qui ne le savent pas restent toujours en chemin et sont soumis à toutes les fluctuations de l’opinion publique, « vain