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chimistes anglais l’ont signalé en particulier dans les eaux minérales de Bath, de Buxton, d’Allhusen’s Well, dans les sources chaudes d’Islande, dans les eaux sulfureuses d’Harrogate. En France, MM. Bouchard, Troost et Ouvrard en ont reconnu la présence dans les eaux de Cauterets.

Les milieux organiques, le sang, la sève, sont, eux aussi, pénétrables à l’air. On devait donc y rencontrer l’argon à l’état de dissolution. Cette induction a été vérifiée pour le sang des mammifères par MM. Schlœsing et P. Regnard. A la vérité, M. Ramsay déclare qu’aucune substance naturelle, animale ou végétale, ne renferme d’argon. Mais le savant anglais n’entend point, par-là, qu’elles n’en puissent contenir à l’état dissous ; il veut dire que dans aucune d’elles l’argon n’entre à l’état de combinaison comme constituant chimique ; et, en effet, les analyses de ses collaborateurs, G. Mac Donald et A. Kellas, pratiquées sur des corps de souris ou sur des pois rigoureusement desséchés, ont fourni de l’azote exempt d’argon. Enfin, pour terminer cette énumération des sources de l’argon, il faut noter sa présence dans quelques rares minéraux ; dans une météorite ; et peut-être dans les nébuleuses et les étoiles blanches, s’il est vrai que M. Brauner (de Prague) y ait trouvé une raie du spectre bleu de l’argon.

Caractères chimiques. — La caractéristique de l’argon est son extrême inactivité. Seul, parmi tous les élémens, il serait, selon l’expression même de W. Ramsay, « dénué de propriétés chimiques. » Il appartient à la chimie et il n’est matière d’étude que pour la physique. C’est précisément cette particularité qui en fait l’intérêt. Elle oblige, en effet, à demander à des déterminations physiques les constantes qui le définissent chimiquement et, pour préciser, son poids atomique.

L’argon est plus réfractaire que l’azote, qui déjà l’est beaucoup, aux réactions chimiques. Il ne se combine à rien, ou à peu près à rien. L’azote s’unit directement, quoique difficilement, à l’oxygène et aux métaux : l’argon ne s’y unit pas. L’union de l’azote avec l’oxygène se fait sous l’influence de l’étincelle électrique ou du flux électrique ; elle produit du bioxyde d’azote qui devient peroxyde d’azote ou vapeurs nitreuses en présence d’un excès d’oxygène, et finalement acide azotique et acide azoteux en présence d’un alcali. L’argon ne fournit pas, dans ces circonstances, d’acide argonique ou d’acide argoneux ; « il résiste, comme le dit lord Rayleigh, à la tentation à laquelle succombe l’azote. » L’union