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charmant en été : en cette saison-ci il l’est moins. Une heure après, vers dix heures, arrive le convoi, qui, grâce à la sagacité de Dervich, nous a rejoints sans aucune fausse manœuvre, et sans que les bagages aient subi aucune avarie.

Nous avons trouvé la yourte gardée par notre chamelier et par l’un des hommes du volostnoï de Gouldcha, et c’est avec plaisir qu’après nous être séchés devant un grand feu, nous nous abritons dans le logis mobile qui sert de gîte classique aux habitans de ces régions et aux voyageurs qui savent s’en contenter. Pour notre part, nous le trouvons très suffisant.

30 octobre. — Nous levons le camp de bonne heure, la journée de marche devant être assez longue. La nuit a été froide : les Populus diversifolia, épars au milieu de la plaine de sable et de galets où se déplace le lit mobile de la rivière, sont chargés de givre. La Gouldcha, dont le cours torrentiel est, avons-nous dit, trop rapide pour qu’elle puisse déjà geler entièrement, est prise sur ses bords, et ses eaux roulent avec fracas, en détachant de temps en temps de gros blocs de glace qui s’en vont à la dérive. Notre campement se trouve au fond de la gorge, dans un endroit très abrité, de sorte que nous n’avons pas trop souffert du froid pendant la nuit. Cependant, à huit heures du matin, malgré tout le soin que nous avons pris de nous calfeutrer, il ne fait que — 1° dans la yourte. Le minimum de la nuit a été de — 18°. Un peu plus tard, à 8 heures 50 au grand soleil, nous n’observons, au dehors, qu’une température de — 2°. La hauteur barométrique est de 601mill, 6, ce qui correspond à une altitude de 6 500 pieds environ.

Une fois en route, nous remontons, pendant deux kilomètres environ, la vallée de la Gouldcha, puis nous la voyons se bifurquer devant nous : la vallée principale, large, bien ouverte et à fond plat, continue à se dérouler au sud en obliquant un peu vers l’ouest. C’est la trouée qui, si nous la suivions, nous conduirait au col de Taldyk, lequel nous donnerait accès dans la grande vallée de l’Alaï, où sont à la fois les sources du Sourk-Ab, l’une des têtes de l’Oxus, et celles du Kizil-Sou, tête du grand fleuve Tarim, dont les eaux vont se perdre dans le Lob-Nor, et que nous avons l’intention de descendre pour aller à Kachgar. La route paraît facile. Nous avons dit plus haut quelles sont les raisons qui nous ont décidés à ne pas la prendre et à lui préférer le trajet plus escarpé, mais plus court et moins encombré de neige,