inutiles ; il m’aurait semblé plus simple de gagner directement le point où la Gouldcha débouche en plaine pour remonter ensuite ce cours d’eau par une pente douce et régulière. Mais le trajet, m’a-t-on dit, n’est pas possible, à cause de l’étranglement excessif de certaines gorges et du volume des eaux qui y coulent. Cependant un travail d’art, insignifiant pour des ingénieurs européens, me paraît pouvoir ouvrir cette voie. Peut-être, à l’heure qu’il est, la route a-t-elle été construite, car son utilité pour le poste militaire de Gouldcha est évidente.
La petite plaine où se trouve aujourd’hui Gouldcha a été autrefois un lac, long d’une douzaine de kilomètres, large de deux, et qui s’est vidé par l’érosion de la gorge d’aval. A deux kilomètres environ du poste, la rivière, divisée en plusieurs bras, et roulant bruyamment sur un lit de galets, est facilement guéable. Nos hommes y lancent les chevaux, qui s’y engagent avec une franchise et une aisance prouvant la pratique habituelle de cette manœuvre. Cependant le vacarme des eaux pourrait intimider des gens moins familiers avec les localités. Le coup d’œil de ce passage est assez curieux : je le regarde avec satisfaction du haut de la berge, et, tout en regrettant le bain pris par mes vêtemens et mes instrumens, je constate que mon convoi a l’allure assez martiale. Nous ressemblons suffisamment, comme aspect, à l’avant-garde de l’une de ces invasions mongoles, qui, elles aussi, ont franchi à cheval, en toutes saisons, les rivières du vieux monde, sans qu’aucun des fleuves de l’Asie ou de l’Europe ait pu les arrêter. La silhouette de Sakkat, perché sur le dos d’un cheval, qui, chargé déjà de deux caisses, est enfoncé jusqu’aux épaules et nage vigoureusement, est particulièrement bien campée. Ma cavalerie, stimulée par la vue du gîte d’étape qui l’attend sur l’autre rive, passe, avec un entrain de bon augure, la rivière torrentueuse dont le soleil couchant colore les remous en or bruni, tandis que ses rayons obliques piquent d’éclairs et de taches brillantes les armes et les équipemens pittoresques de la petite troupe. Celui qui fait la moins bonne figure est Souleyman le cuisinier : dans sa belle robe de chambre à grands ramages, il barbote indignement et paraît inquiet. Je le surveille de loin, et je crains un instant de le voir faire un plongeon. Cependant, il se débat d’une façon méritoire, et avec l’aide du poney pie, qui ne s’émeut pas et qui nage comme un porc, il finit par gagner l’autre rive comme les autres. Je suis maintenant assez satisfait de ma remonte, après