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Il se montre pourtant avec tous ses détails, tout son modelé, toutes ses rides et ses ombres, dans la caricature de la Renaissance. Breughel le Drôle, puis Callot et Romain de Hoogh, et Bosse, et les caricaturistes qui se sont succédé jusqu’au XVIIIe siècle ont cherché à modeler leurs figures grotesques en la perfection. Ils ont cru, en accumulant les traits, fortifier le comique. Ils ont visé l’effet par la masse et l’accumulation des touches, — le procédé caricatural de Rabelais, — au lieu de l’atteindre par le trait unique, sobre et juste, le procédé caricatural de La Bruyère ou de La Fontaine. À mesure que la gravure se perfectionne, le trait caricatural se multiplie et s’alourdit. Ce sont au XVIIIe siècle de véritables dessins en clair-obscur, jusqu’à ce qu’Hogarth en fasse des tableaux à l’huile, ou toutes les ressources techniques du grand art sont employées à faire rire sottement un libertin, un marié à la mode ou un agent d’élections. C’est la période clair-obscuriste.

Les tableaux d’Hogarth en ont marqué l’apogée : aussitôt après, le modelé s’aplatit, les traits se dévident et se raréfient. En 1774, paraît, en Allemagne, le « dessin d’ombre, » c’est-à-dire la silhouette profilée en noir, plate, l’ombre chinoise où l’on ne perçoit que le contour. En France, pendant longtemps encore, les caricaturistes veulent profiter des facilités que leur donnent la gravure, puis la lithographie, pour charger leurs esquisses d’ombres lourdes, épaisses, comme en de vrais tableaux. On trouve encore cette préoccupation chez Bosio, Carle Vernet, Pigal, Debucourt, Gaudissart et Boilly. Mais avec Philipon, déjà le tableau redevient esquisse. Avec Bellangé, les ombres disparaissent un peu et certains traits s’accentuent en manière de synthèse. Avec Decamps, l’effort synthétique est plus visible encore. Chez Daumier, il reste quelques ombres, mais fort rarement la composition d’un tableau. Chez Traviès, cette composition se simplifie encore et le trait domine. Chez Guillaume-Sulpice Chevallier, plus connu sous le nom de Gavarni, la composition est tout à fait simplifiée, réduite à un ou deux personnages et le trait simple résume, exprime, suggère, et remplit tout le dessin. On pressent le retour de la caricature linéaire. Elle triomphe déjà avec Grandville, plus encore avec Cham, tout à fait avec Busch, Crafty et Grévin dans sa seconde manière. Celui-ci clarifie son dessin d’abord très chargé jusqu’à la plus simple synthèse. À mesure que la caricature s’introduit dans le journal