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son parti et envoya au Saint-Père un agent ecclésiastique pour le prévenir contre la politique du roi d’Aragon. Disons tout de suite qu’il ne réussit nulle part. Le Roi Catholique avait pris les devans : il avait eu soin de mettre Gonzalve de Cordoue en garde contre les rapports de Philippe avec la France et de faire remarquer au grand capitaine que c’était l’archiduc qui, le premier, par missive de sa main, avait déclaré la folie de Jeanne et en même temps l’avait séquestrée à Bruxelles. Quant à Jules II, il écouta plus volontiers l’ambassadeur de Ferdinand que l’agent du prince et se borna à conseiller à Philippe de se réconcilier au plus tôt avec son beau-père. L’archiduc ne fut pas plus heureux du côté de Louis XII ; là encore, la diplomatie de Ferdinand réduisit la sienne à l’impuissance, mais par une résolution bien inattendue, préoccupé avant tout du péril imminent d’une intervention française, le roi d’Aragon eut recours à une alliance de famille qui lui assurait la neutralité de son puissant voisin. Oubliant son âge, et aussi peut-être les égards qu’il devait à l’illustre mémoire d’Isabelle, il ne vit que la question politique engagée et demanda la main de Germaine de Foix, nièce de Louis XII. Celui-ci, embarrassé de pourvoir une princesse collatérale et sans domaines, consentit au mariage avec empressement, conclut à cette occasion une transaction assez équivoque sur ses droits dans le royaume de Naples ; et l’union projetée eut lieu en octobre 1505. Ainsi se trouva déconcertée la coalition imminente entre Maximilien, Philippe et la France : Ferdinand recouvrait la liberté de ses mouvemens en Italie et sur les Pyrénées.

Au point de vue des affaires extérieures, le Roi Catholique avait admirablement mené la campagne : il avait rendu à l’Espagne le service de lui éviter de graves complications au dehors. Mais les difficultés intérieures n’étaient point résolues, et il put bientôt se convaincre de cette vérité que, là où les questions de gouvernement sont très aiguës, les combinaisons diplomatiques ne sont que des accessoires et ne suffisent point pour dominer la situation. Au fond, et malgré son habileté administrative, il n’avait en Castille qu’une autorité discutée et chancelante, et il le sentait si bien qu’il répondait aux lettres fort aigres et arrogantes de son gendre dans les termes les plus concilians : une seule fois, lorsque Philippe affecta de se plaindre de ses ententes avec Louis XII, il lui écrivit avec une pénétrante ironie qu’étant si bon ami de la France, il devait se réjouir au contraire de