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l’Empereur Maximilien l’investiture du Milanais et à conclure avec le roi d’Aragon un traité pour le partage du royaume de Naples, le voyage de Philippe et de Jeanne pouvait sans difficulté s’effectuer par le territoire français. Ils furent reçus au passage avec la plus grande courtoisie et l’on déploya en leur honneur le plus magnifique appareil. Les fêtes de la Cour furent brillantes et prolongées jusqu’à la fin de janvier 1502. Un seul incident, provoqué par Jeanne, faillit troubler leur séjour : Philippe devait, à l’occasion de sa venue en France, rendre à Louis XII l’hommage féodal pour le comté de Flandre ; cette formalité, de droit incontestable, avait été différée par suite de diverses circonstances, et il avait été convenu qu’elle serait accomplie pendant que l’archiduc serait l’hôte du Roi. Celui-ci, avec une généreuse bonne grâce, avait même fait remettre au prince la somme d’argent symbolique que le vassal devait offrir au seigneur. Les choses étaient réglées lorsque Jeanne, soit par vanité, soit par un bizarre caprice, refusa de se conformer à ce cérémonial et de s’associer à l’hommage. Vainement lui fit-on remarquer combien son abstention serait blessante à la fois pour le roi de France dont elle méconnaissait le droit, et pour son mari qu’elle paraissait désavouer. Rien ne put la fléchir et il fallut passer outre. Louis XII eut le bon goût de ne pas insister, mais on n’en fut pas moins fort surpris d’un procédé aussi malséant. Ce fut un des premiers symptômes publics d’une disposition d’esprit qui devait bientôt présenter des caractères beaucoup plus décisifs et redoutables.

Jeanne et Philippe trouvèrent à la frontière espagnole le connétable de Castille et les plus grands seigneurs des deux royaumes qui les accompagnèrent par Burgos, Valladolid, Ségovie et Madrid jusqu’à Tolède où ils firent leur entrée solennelle le 7 mars. Ferdinand s’avança à leur rencontre hors des portes de la ville, la reine les accueillit au seuil du palais : tous deux leur témoignèrent l’affection la plus vive, et le 22 mai, les Cortès de Castille prêtèrent en grande pompe le serment officiel. La même cérémonie eut lieu pour l’Aragon, à Saragosse, le 27 octobre. Les princes jurèrent, de leur côté, de maintenir les droits, privilèges et fueros des deux royaumes unis.

À peine ces actes accomplis, l’archiduc manifesta la volonté de retourner immédiatement en Flandre, sans avoir en quoi que ce fût cherché à connaître les affaires et à s’attirer les sympathies des peuples. En outre, — ce qui déplut davantage aux Rois