Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/527

Cette page n’a pas encore été corrigée

SOTILEZA. 521 comme d’une guigne du déplaisir que ses paroles brutales cau- saient au vétéran d’En-Haut. Mais Sotileza intervint, et avec deux apostrophes et deux réfutations, elle rendit le sauvage com- pagnon de la barque du Mordaguero plus souple qu’un gant. Il convint que les pêcheurs matricules d’En-Bas n’étaient que des « feignans », et, commençant à ronger le morceau de pain que lui avait donné Sotileza, il sortit du rez-de-chaussée, en route pour la Zanguina, afin de voir comment se préparait la chose. Il n’avait pas fait cent pas, qu’il rencontra André. André, aussitôt que Cleto l’avait quitté, avait eu besoin de plus de temps que celui-ci pour refréner et dominer la tempête déchaînée dans sa poitrine et dans sa tête. Car la tempête de Cleto était sourde, de fond, relativement douce, et pouvait être soutenue à la voile pourvu qu’on se laissât emporter çà et là sans autre souci que de fuir les écueils de la côte; mais celle d’André était faite de furieux ouragans qui l’enveloppaient, le jetaient en l’air, le fouet- taient de flocons d’écume amers comme du fiel. Fuyant désespéré, il fut une heure durant sans savoir où il était et sans connaître personne... Et ce fut en cette occasion que Muergo se présenta devant lui, au sortir d’une des rues qui débouchent auprès de la Zanguina. — D’où viens-tu? lui demanda André. — De la rue Haute, répondit Muergo. — Et qui y avait-il là? — Crédié! s’écria Muergo, se grattant la tête à deux mains, quand j’entrai, figurez-vous quel éblouisscment !... Elle toute seule, mon vieux ! — Qui? demanda de nouveau André tout haletant. — Sotileza, crédié ! — Alors... Sotileza toute seule, dit André, cachant mal la dou- leur qui le tourmentait. Allons, que lui as-tu dit, et que t’a-t-elle dit? — Ben, à peu près rien! répondit Muergo tout tremblant. — parce qu’au meilleur endroit elle est partie pour allumer la chan- delle, et après mon oncle est arrivé. — (iOmment <( au meilleur endroit ! » poursuivit André dont les yeux lançaient dos éclairs. C est-à-dire (piil s’était déjà passé quoique chose de bon pour toi. N’est-ce pas, Muergo? Allons, voyons, dis-le franchement. Muergo se gratta do nouvejui la tignasse ; et après avoir ri à sa manière, il dit à rinij)ationt André :