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SOTILEZA. 513 — Parce que je crains que tu ne te fâches. — Je te promets de ne pas me fâcher... Pourquoi cela était-il la vérité? — Parce que je connaissais les mauvaises pensées qui te l’ont inspiré. — Tu les connaissais?... Comment?... — Pour les avoir lues bien des fois en tes yeux. — Quand? — Depuis quelque temps déjà. — Silda! — C’est dit, André. Tu voulais des raisons? Tu les as. André demeura désarmé et blessé au plus profond de sa con- science. Sotileza s’en aperçut et se hâta de lui dire : — Tu m’as promis de ne pas t’ofîenser de la raison que je te donnerais. Tiens ta parole. — Je la tiens, dit André plus des lèvres que du cœur, et je ne discuterai même pas l’erreur de tes yeux quand ils lisaient dans les miens. Mais dis-moi, Sotileza. Pourquoi, quand tu as cru découvrir en moi ces mauvaises pensées, ne m’as-tu pas dit qu’elles t’offensaient? — Parce que, si mes yeux ne me trompaient pas, c’est à toi qu’il convenait de laisser ces pensées hors de cette maison, et non à moi de les en chasser. — Alors, je n’ai qu’une chose à faire, c’est de m’éloigner d’ici pour toujours, puisque je les apporte avec moi. Je ne puis me résigner à cela, Sotileza! Je ne puis sortir de cette maison poursuivi par cette déliance, après y être entré comme j’y suis entré. — Mais qui t’en chasse, André?... dit Sotileza avec ennui. — Toi, répondit André, puisque tu me dis... — Je n’ai pas dit cela, répliqua Sotileza avec fermeté; je t’ai dit de ne pas revenir avec ces pensées qui n’ont vu le jour que parce que tu l’as voulu. Kst-ce te chasser de la maison?... Et d’ailleurs, qui suis-jc, pour pouvoir le faire? — Toujours ces malheureuses pensées! s’écria le fougueux jeune homme, irrité de voir avec quel soin elle les plaçait devant lui pour qu’il s’y brisai. Puis, se laissant emporter par l’impulsion de la vanité oflcnsée, il ajouta, avec une grande véhémence : — Et si par hasard lu avais deviné, Silda; si ces mauvaises pensées TOMK CXLIX. — d898. 33