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olO REVUE DES DEUX MONDES. — ]^loi, je tai dit aussi que je ne veux rien entendre de toi qui ne se puisse dire devant dhonnètes gens. — Eh bien, c’est précisément parce que tu m’as dit cela que j’ai à te parler. Assieds-toi ici, Silda, assieds-toi, pour lamour de Dieu! je te promets de ne pas m’oublier, ni en actes, ni en pa- roles. Celles que je te dirai n’ont pour but que de teulever l’amer- tume que tant dautres t’ont causée, et de me délivrer d’un poids qui m’oppresse. Sotileza, un peu haletante et décolorée, s’assit machinalement sur la chaise préparée par André. Lui, quand il l’eut à sou coté, et si près qu’il entendait le bruit de sa respiration, il s’écria: — Et regarde, il faut toute la force des résolutions que j’ap- porte, pour n’y pas manquer en te voyant si belle... et dans la solitude où nous sommes I Silda se leva brusquement de sa chaise et retourna s’accouder sur la commode. — Ne crois pas que j’aie peur, dit-elle en même temps, de me voir seule avec toi; j’ai assez de cœur pour remettre à sa place celui qui manquerait à ce qu’il me doit. — Alors, demanda étourdiment le jeune homme, pourquoi t’éloignes-tu tant ? — Parce que je ne veux pas entendre de près des choses qui te montrent comme je ne voudrais pas te voir. — Eh bien ! c’est pour que tu me voies à ton goût, et pas pour autre chose, que j’ai guetté cette occasion. Crois-moi, Silda; jeté le jure sur la croix de Jésus. — Tu prenais un bon chemin, pour commencer ! — Tout cela n’était que des mots... Je m’engage à ne pas te cacher même une pensée, pour que tu arrives à voir en mon cœur comme sur la paume de la main. Mais si ces franchises t’offensent, tu ne les entendras plus de ma bouche... Je te le jure, Silda... Reviens donc t’asseoir ici... et attache-moi les mains, si tu penses qu’elles puissent me servir à t’offenser... Et si, après m’avoir écouté, il te semble que mes paroles t’ont blessée, arrache-moi la langue qui les aura dites... mais assieds-toi là et écoute-moi. Sotileza revint s’asseoir, mais machinalement, toute pâle, moitié farouche, moitié émue, car dans tout ce qui se passait il y avait pour elle tant de nouveauté, et un si étrange intérêt, qu’il s’imposait à la bravoure de son caractère.