Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/510

Cette page n’a pas encore été corrigée

504 REVUE DES DEUX MONDES. que ton père finisse par revenir de son voyage et tienne enfin sa promesse de ne plus jamais s’embarquer! Encore faudra-t-il voir s’il obtiendra de toi ce que je n’en puis obtenir! Ce serait bon une fois par hasard... Mais on dirait que c’est là ton mé- tier!... Regarde ces mains... jusqu’à des ampoules! Allez donc mettre des gants là-dessus ! Quand ce ne serait que pour ré- pondre aux attentions que ces messieurs ont pour toi, tu devrais être un peu plus circonspect en certaines choses. A qui arrive- t-il, sauf à toi, de s’en aller toute la journée à la pêche, sachant que le soir tu es invité au théâtre avec une famille si distinguée ! Eh bien! nous verrons comment tu te comporteras... Attention à ne pas partir au milieu de la représentation; attends jusqu’à la fin et reconduis-les chez eux; donne le bras à la senora ou à sa fille quand vous irez de la maison au théâtre, et de même pour descendre l’escalier des loges... Car il est entendu qu’en sortant d’ici tu iras tout droit chercher Tolin, qui t’attend dans sa chambre. Il me Ta dit ce matin en sortant de la messe de onze heures. Là, te voilà en règle... Et charmant, caramba! Pourquoi ne pas le dire, puisque c’est vrai? André était fort ennuyé de ces éternelles histoires de sa mère. Il se garda donc de rien répondre et se rendit chez Tolin. Il tra- versait le vestibule et se dirigeait vers la chambre de son ami, quand il se trouva nez à nez avec Louisa déjà parée de rubans pour le théâtre. Il sembla au fougueux jeune homme qu’ils lui allaient très bien, et il lui dit donc sans plus de façon : — Vrai, que tu es gentille, Louisita! — Qu’est-ce que cela peut te faire, à toi? répondit Louisa en s’écartant. André prenait au pied de la lettre tout ce qu’on lui disait, et c’est pourquoi il demeura tout déconcerté de la sécheresse de Louisa, à tel point, et si contrarié qu’il s’en plaignit à Tolin dès qu’il entra dans sa chambre. — Je t’assure, mon cher, qu’un de ces jours, je lui en dirai de toutes les couleurs. Sais-tu qu’elle est terrible l’antipathie qu’elle prend peu à peu contre moi ! — L’antipathie, mais, est-ce bien de l’antipathie, cela? lui répliqua Tolin, tout en cirant les pointes tombantes de sa courte et rare moustache. — Qu’est-ce que c’est alors, si ce n’est pas de l’antipathie? — Mon cher, à le bien prendre, cela prouve plutôt de l’alTec-