condamné a mal jugé. La question reste entière. Il est possible que Dreyfus soit coupable, et cela même est le plus probable, mais ce n’est plus aussi certain. L’armée elle-même, l’armée surtout doit désirer que la lumière se fasse. Elle est au-dessus de toutes les attaques qui ont été dirigées contre elle, et qui ont produit dans le pays une si vive émotion. La faute d’un homme, ou même de plusieurs, n’entraîne pour elle aucune solidarité. Ce sont là des vérités qui n’ont pas besoin d’être démontrées, et ce n’est pas pour qu’on les démontre que nous demandons la révision du procès ; c’est uniquement pour dissiper un nuage devenu trop épais et trop lourd. Et à qui s’adressera-t-on pour réviser le jugement, si décidément on le révise ? A un nouveau conseil de guerre, c’est-à-dire encore à l’armée. La confiance en elle est intacte. Et quelle que soit la sentence du nouveau conseil de guerre, si elle est rendue, comme nous n’en doutons pas, dans les formes régulières et avec une publicité suffisante, tout le monde devra s’incliner devant son autorité. Si on voit un autre moyen de faire cesser l’agitation qui règne dans les esprits, nous serions heureux de le connaître. Quant à nous, nous n’en voyons pas.
Pendant que notre gouvernement n’a d’attention que pour cette affaire toujours renaissante, pour ce drame aux cent actes divers, il se passe dans le monde des événemens qui seraient beaucoup plus dignes de l’attirer et de la retenir. La place, malheureusement, nous manque pour en parler comme il conviendrait ; mais nous aurons l’occasion d’y revenir, et il est même à croire qu’elle se présentera souvent.
Le premier de ces événemens est la prise d’Omdurman, ou de Kartoum, par les Anglais. Tout a été dit sur la longue patience et sur le remarquable esprit d’organisation avec lesquels sir Herbert Kitchener a combiné la marche en avant de l’armée anglo-égyptienne. On peut répéter de lui, sans aller jusqu’à le comparer à l’illustre personnage à qui a été appliqué cet éloge, qu’il n’a rien laissé à la fortune de ce qu’il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance. Il est impossible de mieux préparer qu’il ne l’a fait une expédition militaire, lorsqu’on a d’ailleurs pour cela tout le loisir et toutes les ressources nécessaires. Le sirdar Kitchener a très habilement profité de tous ces avantages. Il y a, à la vérité, seize ou dix-sept ans que les Anglais sont en Égypte ; mais il leur a suffi, aujourd’hui, d’un seul coup pour détruire la puissance du mahdisme et pour venger la mort de Gordon. Ceci dit, on nous permettra de ne pas partager dans son exagération