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de l’existence du monde, — douter de son propre corps, — douter de l’existence même des autres hommes. — Si nos idéalistes acceptaient franchement ces conséquences, nous n’aurions rien à dire ; mais ils les repoussent ou refusent de les voir, au moins les deux dernières. Dès lors nous avons le droit de penser que, si les conséquences leur paraissent à eux-mêmes déraisonnables, les prémisses ne le sont pas moins.

Comment conclurons-nous ? Dirons-nous que la doctrine en vogue, que nous venons d’examiner, est fausse ? Ce n’est pas, pour le moment, notre intention. Nous dirons seulement, et il nous semble l’avoir établi, qu’elle n’est pas d’une absolue certitude, qu’elle ne s’impose pas à la raison sans discussion possible. Par suite, nous comprenons très bien qu’on l’adopte, qu’on la soutienne et qu’on cherche à la fonder sur des argumens solides. Mais nous demandons, — et nous en avons le droit, — qu’on ne nous la donne pas comme une de ces vérités hors de doute qu’on ne prend même plus la peine de démontrer, qui « vont sans dire, » et qu’il faut être naïf ou grossièrement bourgeois pour ne pas trouver, dès le premier coup d’œil, éblouissantes d’évidence. — Il est possible que ce soit, pour une fois, le bourgeois qui ait raison.


CAMILLE MELINAND.