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administrateur du bureau de bienfaisance, membre honoraire ou actif de plusieurs sociétés de tir, escrime ou gymnastique, protecteur d’orphéons et de fanfares, distributeur de soupes populaires ? N’est-ce pas un bon garçon, pas fier, qui reçoit tout le monde et qui, sur les deniers publics, est incapable de refuser rien à personne ? — Et puis surtout, il aimait tant notre regretté, notre inoubliable *** ! Il l’aimait à ce point que, le voyant fatigué, il glissait tout doucement sa candidature sous la sienne, afin de le décharger d’un si lourd fardeau. Pas de divisions ; pas d’abstentions ; pour tous les hommes de liberté, de fraternité, de solidarité, de progrès social, il ne peut y avoir qu’un seul candidat, et c’est lui !

Dans le camp adverse, on est perplexe : l’occasion n’est pas fameuse, la preuve, c’est que la dernière fois, on a été battu. Mais pas de beaucoup, et au mois d’août ou de septembre, lorsque « tous nos amis » étaient à la campagne ; en avril ou en mai, ils seront ici, et alors ! Chacun tire de son portefeuille un petit carré de papier couvert de chiffres et expose ses prévisions. La conclusion unanime est que l’on peut lutter et, du moment qu’on le peut, que l’on le doit. Seulement qui le peut avec le plus de chances ? Qui que ce soit, il faut qu’il réunisse les voix de tous les conservateurs ou de tous les modérés, anciens monarchistes et républicains : mais de les réunir, qui a le plus de chances, un ancien monarchiste ou un républicain ? Le mouvement continu qui depuis vingt ans emporte le pays vers la république, ou la stagnation qui l’empêche d’être emporté ailleurs, conseillent plutôt un républicain d’origine ; et la majorité s’arrête à cet avis, malgré les protestations de quelques hommes antiques, d’une vertu romaine, qui aiment mieux tout perdre que de rien concéder, jurent que c’est une faute, et presque un crime, de « mettre son drapeau dans sa poche, » raillent la conciliation qui, suivant eux, n’est qu’une duperie, affirment que, plutôt que de triompher par une alliance, il est plus honorable de se faire battre seul. — Ils ne comprennent pas que « le parti » n’ait point son candidat. Quant à eux personnellement, ils ne veulent pas de cette candidature : ils ont ceci ou cela qu’ils ne peuvent compromettre, des convenances qui s’y opposent, des obligations de famille ou de profession qui le leur défendent. Mais, précisément parce qu’ils n’en veulent pas, ce qu’ils en disent n’est que plus désintéressé. Et aussi parce qu’ils n’en veulent pas, ils ne veulent pas qu’un autre