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gens sont rentrés : il a forcé les portes qui ne faisaient que s’entrebâiller, il s’est imposé ; il s’est assis ; et les dernières giboulées ne sont pas tombées qu’il en est au-delà de quatre mille visites…

Un autre s’y prend différemment ; tout à coup on a vu reparaître un journal : le Progrès ou l’Avenir ou l’Écho du…, dont c’est, en cinq ans, la quatrième série, ce qui veut dire que, dans l’intervalle, le titre seul existe. Le numéro 2 de cette quatrième série se fait attendre cinq ou six semaines après le numéro premier ; puis le numéro 3, un mois après le n° 2 ; le n° 4, quinze jours après le numéro 3 ; et ainsi le temps s’avance. Dans chacun de ces numéros, l’article de tête est du citoyen Z… ; l’article de fond est un dithyrambe en l’honneur du citoyen Z… ; la deuxième page est remplie par le compte rendu in extenso d’une conférence du citoyen Z… sur « l’émancipation de la femme ; » tous les filets ramènent plus ou moins ingénieusement le nom du citoyen Z… ; les nouvelles à la main rapportent ses traits d’esprit, et les faits divers ses actions d’éclat ou ses bonnes œuvres. Et comme la feuille se vendrait peu, on la répand à profusion, par poignées, une douzaine d’exemplaires à la fois, dans les cafés et chez les commerçans.

De ces deux candidats levés avant l’aube, on ne sait pas du tout ce qu’est le premier, ni pourquoi il est candidat ; si sa candidature est sérieuse, j’entends s’il travaille pour son compte, ou bien s’il a été mis là, comme champignon, — c’est, en argot électoral, le terme consacré, — pour quelqu’un et contre quelqu’un, à l’effet d’enlever des voix à celui-ci au profit de celui-là ; et, dans ce cas, au profit de qui ? Quant au second, pas tant de mystère ; lui, il est candidat, parce qu’il l’a déjà été. Il l’a été à la Chambre et au Conseil municipal, dans ce quartier, puis dans un autre, avec ce programme, puis avec cet autre, mettant, selon les circonstances, soit de l’eau dans son vin, soit du vin dans son eau. Sa candidature est prévue sans qu’il ait bougé de chez lui ; elle est certaine, inévitable, et en quelque sorte astronomique comme la succession du jour et de la nuit. Mais ni ce candidat de fantaisie ou d’occasion, ni ce candidat perpétuel ne sont les vrais représentans des forces opposées, et ce n’est point entre eux que la bataille des partis se livrera.

Elle se prépare plus silencieusement. Depuis de longs mois, le député en possession du siège est menacé politiquement ou physiquement, sa situation électorale ou sa santé elle-même est