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défendre les ksouriens contre les exactions des nomades. Bien que leur maison mère, la zaouïa de Kerzaz, ait donné asile à des groupes d’Ouled-Sidi-Cheikh révoltés contre nous, leur attitude a généralement été correcte à notre égard et nous avons autorisé le grand maître, pour services rendus pendant l’insurrection, à envoyer ses moqaddem chercher les ziara sur notre territoire. Il a de nombreux fidèles dans le Sud-Marocain et le Sud-Oranais (Beni-Guil, Doui-Menia, Hamian ; en territoire algérien 62 moqaddem et 3 000 khouan au moins) ; il est toujours pris dans la famille du fondateur, ainsi que ses principaux vicaires. Lazaouïa de Kerzaz demeure pauvre, parce que les chefs ont toujours voulu garder les traditions de renoncement et que les moqaddem, étant de la famille, gardent la plus grosse part des contributions.

L’ordre des Zianya a été fondé, au milieu du XVIIe siècle, par Moulei Bou-Zian, d’une famille de chérifs de l’Oued Draa. Après de longs voyages en Orient et en Afrique, après avoir reçu des révélations du Prophète, il vint fonder une zaouia à Kenadsa, sur le territoire de la tribu des Doui-Menia. Il combattit tout le reste de sa vie les brigands qui désolaient cette partie du désert, et le souvenir de ses exploits s’est perpétué par des poèmes et des légendes. On raconte notamment qu’un jour, pendant qu’il priait dans la mosquée, des voleurs s’emparèrent de ses troupeaux, provenant des offrandes des fidèles. Mais Dieu les châtia. Un ange, sous la forme et les traits de Bou-Zian, se présenta tout à coup aux voleurs et les mit en joue avec son bâton et aussitôt ils tombèrent morts. Les bergers qui les avaient suivis en se cachant, furent témoins du fait et ramenèrent les troupeaux au cheikh qui n’avait pas bougé de la mosquée, où, ses prières terminées, il s’était misa instruire les fidèles. Depuis, les khouan de son ordre ont la spécialité de conduire les caravanes ; ils connaissent les moindres chemins du désert ; le chapelet de l’ordre, la crainte qu’ont les voleurs d’une vengeance du saint, assurent la sécurité de ceux qu’ils conduisent. C’est là une source importante de revenus pour l’ordre. Le chef et les vicaires sont toujours choisis parmi les descendans du fondateur ; ils passent pour être pauvres, malgré l’abondance des ziaras ; ils les dépensent en bonnes œuvres et les zaouïas donnent une large hospitalité. Les khouan se font remarquer par leur savoir, leur sagesse, leur esprit de tolérance ; ils se tiennent à l’écart des luttes politiques ; ils ne se sont laissé