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vénérable doyen des chimistes européens, de M. Bunsen, d’Heidelberg. Un de ses correspondans, assistant à une éruption volcanique, voit la lave couler sur une prairie, il perçoit une forte odeur ammoniacale et, ne sachant à quelle cause l’attribuer, consulte Bunsen, qui répond : « L’ammoniaque vient de l’herbe, Boussingault a trouvé qu’elle renferme de l’azote. » De la découverte de Boussingault sont nés le commerce des engrais et l’alimentation rationnelle des animaux.

Quand, en 1856, Boussingault et Georges Ville trouvent simultanément que les plantes s’assimilent l’azote des nitrates, on aurait pu croire que c’était là une simple expérience de physiologie sans portée agricole, et cependant, en quelques années, l’emploi des nitrates comme engrais a pris une telle extension que toute une flotte traverse constamment l’Océan pour apporter en Europe le nitrate de soude du Chili.

Lorsque Liebig reconnut que les os traités par l’acide sulfurique exerçaient sur la végétation une influence bien plus marquée que lorsqu’ils étaient employés après une simple pulvérisation, personne n’aurait pu se douter de l’immense portée qu’aurait cette expérience. On n’aurait pu deviner que les recherches persévérantes des géologues signaleraient en France, en Angleterre, en Russie, dans l’Amérique du Nord et surtout dans notre France africaine, d’immenses gisemens de phosphate de chaux, que de nombreuses usines s’élèveraient pour traiter ces phosphates par l’acide sulfurique, si bien qu’aujourd’hui la fabrication des superphosphates est devenue une très grande industrie.

C’est grâce à l’emploi de ces engrais de commerce que nos rendemens se sont élevés dans une proportion inespérée. Les découvertes scientifiques ont déterminé un prodigieux mouvement commercial et un admirable progrès agricole.

Au courant du siècle, quelques-unes de nos plantes les plus répandues ont été attaquées par des maladies qui ont failli ruiner leur culture. Il y a cinquante ans, les fines ramifications d’un champignon parasite couvrent les feuilles, les grappes de la vigne ; les récoltes sont détruites par l’oïdium ; c’est Duchartre, professeur à la Faculté des sciences de Paris, qui indique qu’on triomphe de la maladie par des épandages de fleur de soufre. Plus tard, à peine remises des attaques de l’oïdium, nos vignes sont atteintes de nouveau, elles jaunissent, s’étiolent et meurent. C’est une commission présidée par Planchon, professeur à