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que leur clientèle soit restreinte, insuffisante pour fournir des élèves à tous les établissemens.

Un cultivateur aisé, exploitant un grand domaine, envoie d’abord son fils au lycée, ou au collège de la ville voisine ; puis il le dirige vers une des Ecoles Nationales dont la réputation est bien établie, et non vers les écoles pratiques, qui n’ont pas été faites pour instruire les enfans de la grande culture, mais bien pour les fils des petits cultivateurs. Ceux-ci sont très nombreux ; notre territoire étant très morcelé, ils ne tiennent que des parcelles de faible étendue ; ce sont des hommes laborieux, habiles dans le travail de la terre et très attachés aux traditions ; ils se les transmettent de père en fils ; elles les guident plus sûrement que les notions générales un peu flottantes et ne s’appliquant pas exactement aux conditions du domaine exploité, que leurs enfans pourraient acquérir dans une école. Les petits cultivateurs croient, et peut-être avec raison, que leurs fils apprendront plus vite et plus sûrement leur métier, en tenant les mancherons de la charrue qu’en écoutant des leçons dans un amphithéâtre. En outre, la vie est rude, le labeur incessant, la main-d’œuvre rare et coûteuse ; très vite, les jeunes gens rendent des services, et le père de famille ne consent à se priver de leurs bras qu’à la condition qu’il ne lui en coûte rien et que les enfans seront entretenus, qu’ils seront boursiers.

Si, en distribuant largement ces bourses, on était certain de faire de bons praticiens, on pourrait encore s’y résoudre, mais sur ce point le rapport ministériel ne laisse aucune illusion : « Il faut ajouter que la plupart de ces boursiers, au lieu d’aller à l’agriculture, comme cela devrait être, demandent presque toujours des emplois de l’Etat et surtout des places de professeurs. »

Les bourses des écoles pratiques sont obtenues au concours par des jeunes gens à l’esprit ouvert, qui se sont distingués sur les bancs de l’école primaire ; on leur a reconnu de l’intelligence et on les a poussés ; les voilà à l’école pratique, ils y travaillent, s’y instruisent, et les mieux doués deviennent capables d’affronter les examens aux Ecoles nationales. Là encore, ils trouvent des bourses ; le milieu dans lequel ils pénètrent est bien supérieur à celui dont ils sont sortis ; ils ont pour camarades des jeunes gens de familles aisées : l’enseignement est élevé, ils en profitent largement, car, déjà initiés aux pratiques agricoles, ils sont heureux d’en connaître les raisons déterminantes ; ils prennent la tête des