a cette sorte de crainte si fréquente chez la femme, le mépris surtout, comme d’une chose inutile et oiseuse, et cette impératrice qui dépense un million par an pour sa toilette, lorsqu’elle veut lire une nouvelle qui coûte trente sols, se la fait prêter et se garde bien de racheter !
Non, rien, ni lecture, ni musique, ni promenades, mais de la conversation. Et, heureusement, presque aussitôt qu’elle est rentrée avec ses invitées dans le Salon jaune, commencent à affluer dans le premier salon les personnes à audience. Il en vient de toutes sortes : gens des colonies que la révolte des nègres a ruinés et qui se sont découvert une alliance plus ou moins directe avec les Tascher ; gens de l’ancienne société qui, brusquement, par une illumination du ciel, se sont souvenus d’avoir rencontré quelque part une vicomtesse de Beauharnais qui d’ailleurs ne comptait point, et subitement, se sont épris pour cette dame d’une grande passion : gens de la nouvelle société, de la Cour, s’entend, car c’est pour les fidèles et les dévoués que l’étiquette réserve toutes ses sévérités et, si un ci-devant marquis est admis tout droit, avec femme et enfans, chez celle que, dix ans plus tard, il appellera l’épouse du Tyran, un officier supérieur, commandant ou major, aura la plus grande peine à forcer les barrières, s’il ne porte pas un nom d’autrefois et si, à ses débuts, il n’a pas fait le coup de fusil contre les sans-culottes. Finie l’intimité avec Charlotte Robespierre qu’on aimait assez jadis pour lui offrir son portrait, mais dont le nom seul, à présent, est pour mettre en fuite les visiteuses de marque ; finie l’amitié avec Madame de Crény, avec Madame Mailly de Château-Renaud, avec Madame Hamelin, avec Madame de Carvoisin, avec Madame Hainguerlot, avec Madame Tallien. Pour celle-ci, il a fallu l’expresse volonté de Napoléon, sévèrement manifestée ; longtemps, Joséphine a persisté à la recevoir le matin ; le matin même devenant dangereux, à lui donner des rendez-vous la nuit, mais, à l’époque du mariage avec M. de Caraman, l’Empereur a formellement exigé la rupture. Joséphine ainsi a effacé de sa vie la plus grande partie des liaisons qu’elle a formées durant la Révolution, et comme, en fait, sauf quelques créoles, c’était là sa société unique, pour s’en former une nouvelle, elle a dû se rejeter uniquement à la famille de son premier mari et à la sienne, à quiconque est parent ou allié des Beauharnais ou des Tascher, fût-ce à des degrés incalculables :