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sont majorées par Napoléon lui-même de façon à atteindre près de 20 pour 100 : ainsi en 1807, sur 465 291 fr. 52, réduction de 75 217fr. 37 ; en 1808, sur 458 700 fr. 06, de 95 368 fr. 50 ; en 1809, sur 914 764 fr. 70, de 166 747 fr. 37. Et, lorsqu’il s’agit du règlement de l’arriéré, c’est pis encore : en 1806, l’Empereur donne 650 000 francs pour solder les dettes et rabat 112 375 fr. 47 sur les mémoires présentés ; les 1 400 000 francs de 1809 suffisent pour 1 898 098 fr. 98 réclamés par les fournisseurs : 500 000 francs de rabais ! Et les marchands y gagnent encore, car pas un, ainsi sabré, ayant crié qu’on le ruine, qui ne revienne à la charge, qui n’affirme à l’impératrice que l’objet qu’il présente a été fait uniquement pour elle, ne convient qu’à elle, qu’il est unique, qu’il faut qu’elle l’ait. Et elle le prend, et tout recommence.

Quelqu’un a dit que Napoléon « aimait assez qu’on fît des dettes parce qu’elles entretenaient la dépendance : sa femme, ajoute-t-on, lui donnait une satisfaction très étendue sur cet article ; il n’a jamais voulu remettre ses affaires en ordre afin de conserver les moyens de l’inquiéter. » On a vu ce qu’il en faut croire : deux fois au moins avant l’Empire, quatre fois durant l’Empire, Napoléon a voulu procéder à une liquidation générale des dettes antérieures, mettre sa femme à flot de façon que, avec la pension qu’il lui faisait et qu’il augmentait sans cesse, elle suffît au courant. Il a donc réclamé le montant exact des dettes. Joséphine qui, en réalité, l’ignore, qui ne s’en est jamais rendu compte, énonce, à peu près au hasard, un chiffre qui ne va pas à moitié du total. « Pourquoi ne pas avouer tout ? lui disent ses confidentes. — Non, non, répond-elle, il me tuerait, il me tuerait ! je paierai sur mes économies ! » On a de première main le récit de la scène qui a précédé la liquidation de 1806 : l’Impératrice était dans les larmes ; l’Empereur s’en aperçut des premiers ; il vit ses yeux rouges et dit à Duroc : « Ces femmes ont les yeux en pleurs, je suis sûr qu’il y a des dettes, tâchez de savoir ce que c’est. » Duroc, qui avait obtenu la confiance de Joséphine, vint à elle et lui dit : « L’Empereur est persuadé que vous avez des dettes ; il veut en savoir le montant. » Joséphine, avec beaucoup de pleurs, lui dit qu’en effet elle devait 400 000 francs. « Ah ! l’Empereur croyait que c’était 800 000. — Non, je vous jure, mais, puisqu’il faut vous le dire, c’est 600 000 francs. — Est-il bien sûr que ce n’est pas davantage ? — Bien sûr ! — Alors, je lui parlerai. » Il revint à l’Empereur, lui dit qu’il avait trouvé Joséphine dans les larmes, qu’elle se désespérait. « Ah ! Elle