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la campagne d’Italie, elle accumule des bijoux qui soient à elle, uniquement à elle, qui ne puissent lui échapper, qui lui fassent une réserve et un trésor ? Faut-il même chercher une raison ? N’achète-t-elle pas ces bijoux uniquement parce que leur scintillement l’attire, que leur façon plaît à son goût, que c’est joli ou que cela lui semble tel, et que c’est sa fantaisie ? Elle en a d’un grand prix, comme son collier de diamans, prisé 541 200 francs à son inventaire avec les poires et les deux boutons, et estimé seul plus de 700 000 francs lorsque Hortense veut s’en défaire en 1829 ; elle a sa parure d’opales et diamans, prisée 258 000 francs ; sa parure d’émeraudes et diamans prisée 178 000 francs ; son bandeau de perles prisé 148 000 francs ; son collier de perles à trois rangs, prisé 262 000 francs ; son diadème de diamans, dont un seul, au milieu, est prisé 165 000 francs, et qui, d’ensemble, est prisé 1 032 000 francs. Elle a personnellement, à elle, au chiffre de prisée, inférieur d’un tiers au moins à la valeur vénale, pour 4 354 255 francs de joyaux d’importance, — perles, diamans et pierres de couleur, — mais, ensuite, qui pourrait dire quel prix ont été payés les milliers d’objets qu’elle enfouit en ses écrins, qu’elle a portés une fois peut-être et sans doute jamais : bagues par centaines, bracelets, plaques de ceinture, colliers de toutes les matières qu’on polit et de tous les globes qu’on enfile, parures d’agate, de perles d’argent, de perles d’or, de cornalines, de pierres gravées, de turquoises, de malachite, de scarabées, de coraux gravés, de coraux et perles fines, de corail rose, de coraux façon framboise, de coraux en boule, d’acier, de jayet, de noyaux de prune et de noyaux de cerise sculptés ! A les nombrer seulement, les joailliers se perdent et, pour les priser, il ne faut pas compter sur eux. Aussi bien, quantité sont de la curiosité pure, des objets qu’on achète très cher et dont la valeur vénale est nulle ou presque. Et puis, constamment, Joséphine fait modifier ou rajeunir les montures ; elle trafique, échange, revend, rachète, paye des acomptes à ses bijoutiers avec ce qu’elle appelle la réforme de son écrin, et, pour une parure qu’elle cède ainsi, eu reprend dix autres. C’est là un trait encore qui achève sa nature et donne une notion de son caractère. De ces bijoux dont certains devraient lui rappeler tant de choses, d’événemens, de gloire, d’êtres respectés ou chers, l’ascension continuelle de sa fortune ; de ces bijoux, rançons de villes, de princes et de républiques ; de ces bijoux, dons de papes et de rois, présens