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dispositions curieuses, dont il serait malaisé de trouver l’analogue dans d’autres pays, et dont l’origine, commune est la préoccupation, si remarquable chez les Anglais, de diminuer, par tous les moyens possibles, le fardeau de la dette publique. Ce sont autant de pompes aspirantes qui fonctionnent sans relâche, les unes pour de petits montans, les autres pour des sommes considérables ; elles sont énumérées au compte général de finance et comprennent des chiffres qui varient depuis 302 livres, titres achetés au moyen des dépôts prescrits des caisses d’épargne, jusqu’à 1 170 000 livres, total des rentes annulées par suite d’échange contre des annuités viagères. D’autre part, plus de 7 millions ayant été payés en cette même année pour annuités terminables, c’est 8 1/2 millions de livres, soit 213 millions de francs, qui ont été amortis en douze mois. Cette simple statistique est plus éloquente que tous les commentaires.


VI

L’histoire de la dette anglaise et celle de son amortissement se résument en quelques chiffres. Vers la fin du XVIIIe siècle, à la veille des luttes sanglantes contre la France républicaine et impériale, le montant de la dette, peu à peu grossi par les diverses guerres dont la dernière avait été celle de l’Indépendance américaine, était de 287 millions de livres. En vingt-trois ans, de 1793 à 1816, ce montant triple : au lendemain de Waterloo, la dette consolidée est de 816 millions ; la dette flottante, de 60 millions. Aujourd’hui l’une et l’autre réunies ne dépassent guères 600 millions : en dépit du développement énorme du Royaume-Uni au cours du XIXe siècle, en dépit de ses multiples établissemens sur tous les points du globe, d’un budget plus que doublé, de dépenses militaires triplées, de dépenses civiles septuplées, le capital de la dette a diminué de plus du quart. L’addition scrupuleuse de toutes les obligations de l’Échiquier, au 31 mars 1897, s’élevait à 645 millions, dont il faut déduire 23 millions d’actif, ce qui donnait un solde de 622 millions.

Nous ne savons ce qu’il faut plus admirer, du courage des ministres qui n’ont jamais cessé de demander aux Chambres les moyens d’amortir, ou de la sagesse des parlemens qui ont accepté les projets des Robinson, des Gladstone, des Childers, des Goschen, tendant tous, sous des formes diverses, à ce but unique :