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La conversion est l’opération par laquelle l’État débiteur met les rentiers dans l’alternative de recevoir le remboursement du capital de leur rente ou de se contenter désormais d’un intérêt réduit. Elle ne peut être entreprise qu’aux époques de prospérité, alors que les marchés financiers sont calmes, que le cours des fonds qu’il s’agit de convertir a dépassé le pair : car, pour que l’offre de remboursement du capital faite par le gouvernement soit refusée, l’intérêt réduit qu’il promet doit encore constituer une rémunération suffisante pour engager les rentiers à conserver leurs titres et à ne pas chercher ailleurs un placement plus fructueux de leurs capitaux. En général, une opération de conversion n’entraîne aucune modification au capital nominal de la Dette ; il arrive cependant qu’afin de donner aux rentiers une certaine compensation, le Trésor consente à leur remettre, en échange de leurs titres à intérêt plus élevé, une quantité légèrement supérieure de titres nouveaux à intérêt réduit : mais le fait même que cette combinaison semble nécessaire condamne l’opération, qui ne se justifie que lorsque l’intérêt attaché aux titres est supérieur à celui auquel l’Etat pourrait emprunter ; dès lors, il devient certain qu’en offrant ce dernier taux, l’Etat doit rencontrer l’adhésion des rentiers sans être obligé de majorer le capital de leur créance.

Dès 1822, 152 millions de 5 pour 100 furent convertis en 4 pour 100 ; un ancien fonds 4 pour 100 de 76 millions fut réduit à 3 1/2 pour 100 en 1824. Cette dernière conversion fut une des rares opérations de ce genre qui n’eurent pas un plein succès en Angleterre. Robinson, chancelier de l’Échiquier, avait eu le tort de ne pas offrir aux rentiers qui refuseraient d’accepter ses propositions le remboursement immédiat de leurs titres, et de le leur promettre par tiers en trois ans. Il leur laissait un délai de six semaines pour se prononcer sur son offre de conversion, et interprétait leur silence comme une demande de remboursement, alors que la règle est au contraire d’exiger une déclaration expresse de celui qui n’adhère pas aux propositions du Trésor. En 1830, le 4 pour 100, créé huit ans auparavant, fut converti en un 3 1/2, irréductible pendant sept uns : il ne se produisit pas un cinquantième de demandes de remboursement. En 1834, le dernier type 4 pour 100 qui subsistât encore fut converti en 3 1/2, sans qu’il se produisît à cette occasion une seule demande de remboursement.