Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas encore remboursés aux rentiers, ou ne l’ont été que dans une proportion insignifiante. Plus un pays a un passé considérable, et plus lourd est l’héritage de dette qui lui a été légué, rançon de la gloire ou des désastres militaires. Mais il y a plus : il n’est guère de grande nation continentale européenne qui n’ait, dans les temps modernes, répudié à un moment donné une partie de sa dette, soit en réduisant par un acte arbitraire le montant de l’intérêt payé par elle à ses créanciers, soit en frappant d’un impôt les coupons, soit même en supprimant une fraction plus ou moins importante du capital dû. Là où il n’a pas été porté atteinte au contrat direct intervenu entre le Trésor emprunteur et les souscripteurs à ses titres de rente, l’Etat a souvent eu recours à un mode d’emprunt forcé des plus pernicieux, parce que tous les dangers n’en apparaissent pas au premier abord : nous voulons parler de l’émission de papier-monnaie ; à un moment donné ce papier se consolide, s’échange contre du métal, mais presque toujours dans une proportion moindre que celle qui résultait de la valeur assignée à ces billets lors de leur création ; une banqueroute partielle s’accomplit. L’histoire financière anglaise ne nous montre rien de semblable. Depuis deux siècles, les engagemens du Trésor ont été scrupuleusement remplis ; les taux d’intérêt promis, intégralement payés ; si des réductions d’intérêt fréquentes ont eu lieu, ce n’a été que par suite d’accords librement intervenus entre l’Echiquier, c’est-à-dire l’administration financière de l’Etat, et les porteurs de rentes, mis chaque fois à même de réclamer le remboursement de leur capital, quand ils ne voulaient pas se contenter d’un revenu réduit. Si, pendant la période des guerres napoléoniennes, le cours forcé a été établi ; si les billets de la Banque d’Angleterre ont cessé d’être remboursables en métal, cet état de choses a pris fin aussitôt la paix conclue, et aucun porteur de billets n’a subi de ce chef un dommage.

Les hommes d’Etat anglais, à quelque parti qu’ils appartinssent, ont toujours été préoccupés de réduire la Dette : mais ils n’ont compté, pour y arriver, que sur les moyens légitimes et légaux. Depuis la fin du XVIIIe siècle, on ne relève pas une défaillance dans leur gestion financière. Certes, leur politique économique générale n’a pris la grande allure que nous admirons que vers le milieu du présent siècle ; le libre-échange, l’abaissement ininterrompu du prix des objets de première nécessité, le dégrèvement des classes pauvres ne sont la caractéristique des