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ambassadeur auprès du roi de l’Italie unifiée, inaugurât son règne ministériel par un long entretien avec le pape, c’était en effet un signe des temps dont la portée ne pouvait échapper à personne. S’appuyer sur l’épiscopat, s’entendre avec le Centre, négocier à Rome, tel fut donc le programme de M. de Bulow. — Dès la fin de l’hiver dernier, se tenait à Fulda la conférence annuelle qui habituellement ne réunit qu’en août les évêques allemands ; à la suite de ce conciliabule, le cardinal Kopp partit pour Rome. Sous les apparences d’un voyage ad limina, la venue au Vatican de l’évêque de Breslau, ami personnel de Guillaume II, intermédiaire habituel entre l’empereur. et le Saint-Siège, cachait une mission politique dont certaines indiscrétions et aussi certains résultats nous ont appris le but et dévoilé l’importance. Après Mgr Anzer, Mgr Kopp demanda au Saint-Père la confirmation, et sans doute aussi l’extension[1] du protectorat allemand en Chine. De récentes révélations de la Deutsche Revue[2] nous ont appris, — les faits d’ailleurs l’indiquaient déjà, — l’échec complet des missi dominici de l’empereur Guillaume : « l’augmentation de l’influence allemande, dit en substance la Revue, déplaît au Saint-Père parce que ce changement est mal vu en France… Léon XIII, aussi bien que le cardinal Rampolla, ont résolument repoussé le projet de Mgr Anzer et du cardinal Kopp, de reconnaître le protectorat de l’Allemagne sur les missions germaniques. » Voilà qui nous éclaire et sur le but, et sur l’issue de la mission « canonique » de l’évêque de Breslau.

A défaut de la victoire diplomatique qu’il espérait, Guillaume II sut tirer un succès politique de la bruyante protection qu’il accorde aux missions. Mgr Anzer, à son retour de Rome, pérégrina à travers l’Allemagne et, notamment à Munich, il pressa avec instances les chefs du Centre de voter le septennat maritime et d’accorder à l’empereur ces croiseurs auxquels il tenait tant. Le cardinal Kopp et ses collègues dans l’épiscopat, après la conférence prématurée de Fulda, s’entremirent avec le même zèle. Sans doute Mgr Anzer laissait entendre que le vote du projet impérial serait vu avec plaisir par le pape, comme la juste récompense de la protection énergique accordée aux missions.

  1. Les Allemands convoitent l’extension de leur protectorat au Chan-toung septentrional, où est situé Kiao-Tchéou.
  2. Voir dans son numéro de juin : die Politik Leo’s XIII und seine Diplomatie, par G. M. Fiamingo, p. 287.